Joe Chip Joe Chip 26 novembre 2014 21:26

Il faut comprendre Ziegler. Sociologue en Suisse, c’est le métier idéal. Tu gagnes la paie d’un cadre français, les élèves sont calmes et attentifs, le cadre de vie est exceptionnel et quel que soit le fruit de ta réflexion tu te retrouves invariablement dans un pays bien géré avec un niveau de vie très élevé, des villes propres (à l’exception de ce cloaque rempli de frontaliers appelé Genève, bien sûr) voire proprettes, une société ordonnée où le consensus fait loi, des étrangers riches vivant dans un luxe stratosphérique. En fait, tu peux même conceptualiser le monde librement tel que tu voudrais le voir tellement tout tourne bien, raison pour laquelle il y a encore paradoxalement beaucoup de socialistes dogmatiques et de marxistes en Suisse, qui ont d’autant plus de raisons de le rester qu’ils n’ont strictement aucune chance d’accéder au pouvoir. Quand tu passes à la télé, les gens te laissent tranquillement faire ta péroraison, ils sont polis, ne coupent pas la parole, n’essaient pas de détruire ton image publique, de te ridiculiser, etc. Socialiste-progressiste dans une société libérale-conservatrice, c’est pépère.

Par contre, c’est clair, il faut pas participer à des débats contradictoires avec un Français qui arrive du front (national ah ah), parce que c’est boucherie-charcuterie directe. Le Zemmour, il les a débités en tranches bien épaisses le freudo-marxiste, le socialiste, la féministe et la sociologue helvète. En France il serait ressorti du débat avec des marques de griffures, des dents de chienne de garde dans les couilles et des postillons d’antiracistes plein la figure. Il aurait dû répondre simultanément aux sarcasmes du présentateur, esquiver une blague méchante (de préférence sur le physique ou la virilité) d’une actrice de gauche, faire semblant de prendre au sérieux le rappeur ou chanteur indigné de service, se faire huer par le public, être diffamé, etc., tout en restant droit dans ses bottes.
Mais les Suisses sont des gens sympas et disciplinés. Ils sont tous montés à l’assaut de la butte l’un après l’autre, avec leur argument bien préparé comme des bons élèves arrivant au tableau, au lieu de se jeter sur lui telle une meute de chien enragés visant la jugulaire. C’était émouvant, cette tenue, cette neutralité polie, on sentait qu’ils devaient presque se forcer pour avoir l’air désagréable et condescendant, qualités que le Français possède naturellement et qu’il est amené à perfectionner tout au long de sa vie au contact des autres. 
Puis une fois à découvert et exposés comme des agneaux, ils ont fait part à Zemmour de leur critique sagement construite que ce-dernier s’est bien sûr empressé de balayer d’un revers dialectique de la main avant de les mitrailler à bout portant avec un rictus de joie mauvaise sur le visage.

La pauvre Ziegler, arrivé marxiste, est reparti dans la peau de l’idiot utile du capitalisme. Le socialiste s’est pris 3-0 en deux minutes, la sociologue de service s’est faite rembarrée à coups de soupirs et de réponses rhétoriques (le coup du "mépris de classe", vieux comme les années 70) mais bon, ça ne se voit pas quand c’est bien envoyé.

Les Suisses nous ont mis la pâté au tennis, mais Zemmour nous a vengé dans le débat !


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