maQiavel maQiavel1983 9 février 2014 13:40

Concernant les biotechnologies, le biologiste Henri Atlan a écrit nombre d’articles sur l’utérus artificiel.

Selon lui (et j’ai tendance à le croire au regard des faits) la dynamique contemporaine, en matière de reproduction, est caractérisée par la déconnexion progressive entre sexualité et natalité. Il annonce une nouvelle étape dans ce processus : l’utérus artificiel. Il estime que l’UA (Utérus artificiel) sera disponible dans quelques décennies. Les difficultés sont grandes, mais la faisabilité est d’ores et déjà acquise. En octobre 2002, une conférence internationale tenue à l’université de l’Oklahoma s’intitulait : « La fin de la maternité naturelle ? La matrice artificielle et les bébés du design ». 

Les implications sociologiques de ces mutations technologiques seront immenses :

Atlan spécule sur la collision technologique qui risque de se produire entre les techniques de clonage et l’UA. Il nous dit, qu’à partir du moment où il deviendra possible de cultiver des embryons dans un UA, alors qu’on sera par ailleurs en mesure de fabriquer des embryons sans fécondation, on atteindra potentiellement le stade où les êtres humains ne seront plus du tout engendrés, mais bel et bien fabriqués.

Le professeur Atlan explique qu’on pourra à l’avenir probablement fabriquer des êtres humains sans même recourir à des ovules humains (des ovules de lapine, paraît-il feraient l’affaire, sous réserve qu’on ait le « bon » code génétique à injecter dedans). Atlan en arrive au point où il peut dire que le débat sur le « statut de l’embryon » sera rendu caduc, puisque la vie n’aura plus besoin d’embryon pour se développer.

C’est donc la définition même de l’humanité qui est en jeu.

Sa thèse est en substance la suivante : l’hominisation résulte avant tout d’un processus relationnel. Le fait qu’un individu n’ait pas été engendré de manière naturelle, voire qu’il ait été fabriqué, ne remet donc pas en cause son humanité, sous réserve qu’il soit, une fois né, inscrit dans un processus relationnel qui l’hominise.

------>  On ne nait pas homme, on le devient.

 

Avec l’irruption de l’UA, la dislocation du patriarcat aura ouvert la porte non à l’abolition de la filiation patrilinéaire, mais à sa généralisation y compris au lien mère/fils. Au « l’homme est une femme comme les autres » répondra désormais un « la femme est un père comme les autres », nécessairement, puisque le lien charnel mère/fils étant rompu, il n’y aura plus de filiation que construite, intellectuelle, extracorporelle (Atlan évoque l’image de Zeus, Dieu-père enfantant seul Athéna).

La guerre des sexes, conclut Atlan, est sur le point de connaître un véritable coup de théâtre. A l’ancienne opposition patriarcat/matriarcat pourrait se subsister un champ de bataille multidimensionnel, opposant des conceptions diverses, et dont l’enjeu ne serait plus d’arbitrer entre les deux modes de filiation, mais de définir des modes combinés.

 La société duale élite/peuple pourrait donc se combiner avec une biologie duale mâle/femelle, sur laquelle pourraient se plaquer des intermédiaires plus ou moins délirants. Ça promet.

Quand on le lit, on comprend qu’il est indispensable que les peuples se dotent rapidement d’une véritable capacité de contrôle sur leurs dirigeants, car les potentialités ouvertes par les biotechnologies sont telles que des dirigeants mal avisés pourraient tout simplement reprogrammer les peuples.

D’ ailleurs il faut lire ce qu’Attali dit à ce sujet, c’est terrifiant. Ceux qui s’imaginent que tout ça n’est qu’un épiphénomène se trompe lourdement, c’est la future forme du capitalisme de demain.


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