ffi 7 novembre 2013 21:44

Nora :
J’ai déjà entendu ce genre de critiques de Platon, mais pour avoir lu les trois premiers livres de la République, le Menon, le Banquet et le théètète, je n’y souscris pas du tout.
 
Rien que l’ouverture de la République, qui commence par un âpre échange au sujet de ce qu’est le juste, est passionnante.
 
Je crois que vous n’avez pas lu Platon et que vous répétez des phrases que vous avez lu par ailleurs à son sujet. Mais lisez-le, sans à priori, puis on en reparlera.
 
La pensée actuelle est Aristotélicienne. Elle n’emprunte pas grand chose à Platon (je m’explique ci-dessous).
 
@Eric :
Platon, par la forme du dialogue, est beaucoup plus ouvert qu’Aristote.
Aristote a fait un grand système, certes pertinent sur bien des points, mais qui piège la réflexion du fait que tout s’y tient : il ne faut rien y changer sinon tout risque de s’écrouler...
 
La grande différence entre les deux pensées, et c’est bien symbolisé par le Tableau de Raphaël qui se trouve au Vatican, c’est que Platon/Socrate progressent par analogies successives (mouvement de bas en haut, il remonte de la diversité visible à l’unité idéelle par interrogations successives) tandis que Aristoste progresse par "catalogie" (mouvement de haut en bas, il affirme une diversité à partir de l’unité qu’il a définit au préalable).
 
On peut dire que, globalement, Aristote a fait la synthèse de Platon, sauf dans la manière de penser, où il a pris le contre-pied.
 
En gros, Platon se place tel un homme et cherche Dieu,
tandis qu’Aristote se place tel Dieu et cherche l’homme.
 
Platon cherche à trouver l’unité idéelle par l’analyse d’une diversité factuelle,
Aristote cherche à retrouver la diversité factuelle par déduction d’une unité idéelle.
 
Donc, chez Aristote, tout ce qui suit dépend de l’unité postulée au départ.
Le système est clos et non modifiable. C’est un système catégorique.
Cela peut mener à de sérieux aveuglements.
 
La méthode Socratique est beaucoup plus dynamique, quoique moins ambitieuse.
En particulier, lorsque des sophismes successifs ont fini par rendre un système catégorique inutilisable, il permet de "remonter" aux contradictions par questionnement systématique de ce système.
 
Je dirais donc exactement le contraire de vous. Dans notre époque où la pensée est encombrée de sophismes, il faut adopter la méthode Socratique. Il faut être moins ambitieux dans l’édification de grands systèmes catégoriques, car les grandes idéologies des siècles passées, qui sont des systèmes catégoriques clos à la mode d’Aristote, en ont montré les limites.
 
Vous avez dit :
pour [Platon] (au travers de certains dialogues), la maîtrise parfaite d’un savoir implique nécessairement l’honnêteté, la vertu.
 
J’ai envie de développer ceci :
 
Platon (ou plutôt Socrate dans le Menon) ne met pas la vertu au rang d’un savoir qui pourrait s’acquérir. Le savoir est du genre de l’avoir. La vertu est plutôt du genre de l’être. La vertu, chez Socrate, est même dénuée de savoir. Elle est simple opinion vraie.
La vertu est une sorte d’intuition que l’on suit, et qui, par miracle, fonctionne.
C’est un gars qui agit au pifomètre, à l’instinct et qui réussit à chaque fois.
 
La Vertu, chez Socrate, est très proche du concept de grâce Divine, elle tombe du ciel on ne sait ni comment, ni pourquoi, c’est comme une chance (chance, participe présent substantivé du verbe choir "tomber"). L’homme vertueux, c’est celui qui tombe toujours bien. L’homme mauvais (le méchant) tombe toujours mal. L’homme chanceux est vertueux. L’homme malchanceux n’est pas vertueux.
 
Donc on ne peut jamais se vanter d’avoir de la vertu.
On ne peut que louer Dieu de ses grâces.
Ainsi, l’homme vertueux est-il toujours humble, car il sait que s’il est vertueux ce n’est jamais grâce à lui-même, mais toujours grâce au (par)don de Dieu.


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