lundi 28 octobre 2013 - par Nora Inu

Beauté de la beauté - Jérôme Bosch, le peintre du fantastique 1

A partir de 1973, Kijû Yoshida réalise " Beauté de la beauté ", une entreprise d'une ampleur monumentale qui ne peut être comparée qu'à celle de l'œuvre télévisuelle de Rossellini ou à la série Palettes d'Alain Jaubert.

 

Yoshida réalise la série Beauté de la beauté après une opération des intestins et un état de stress insupportable alors qu'il aborde ses quarante ans. Il a alors réalisé seize films en treize ans et vient de terminer sa trilogie politique : Eros + Massacre (1969), Purgatoire eroica (1970), Coup d'état (1971) dans laquelle il a atteint une forme d'aboutissement artistique et qui clôt son histoire du XXe siècle japonais.

 

Pour garder son intégrité physique aussi bien que pour renouveler son rapport au cinéma, il accepte la proposition d'une chaine de télévision, Chanel 12, d'un documentaire sur un joueur de baseball puis d'une série documentaire sur l'art qui sera projetée tous les samedis soir à la télévision japonaise.

 

Yoshida quitte le Japon à l'automne 1973 et la série commence sa diffusion au début de 1974 pour se terminer quatre ans plus tard au début de 1978 alors que Yoshida a fini de tourner son 94e épisode à l'automne 1977. Il est le concepteur, l'auteur des recherches et du commentaire et le metteur en scène de sa série. Il loue les services d'une équipe technique dans chacun des pays traversés (un chef opérateur et un preneur de son). Sei Ichiyanagi, le grand compositeur de musique contemporaine, avec lequel il travaille depuis 1965 y adjoint ensuite la musique.

 

Une première série est consacrée à cinq siècles d'art européen : de la renaissance italienne jusqu'au XIX siècle français. Chaque peintre bénéficie de deux ou trois épisodes. Bosch se décline ainsi en L'hérésie de la renaissance du nord, La descente aux enfers, Le rêve d'un royaume millénaire et Manet en Olympia, un sentiment d'obscénité et Le dandysme est un soleil couchant.

 

Les trois premiers ensembles : Léonard de Vinci, Grunwald, La Tour sont commentés par un professionnel de la télévision mais Yoshida trouve qu'il manque le trajet qu'il effectue jusqu'à l'œuvre d'art. Il doit se présenter à l'œuvre d'art. Pour prolonger la voix off il finit par entrer lui-même dans le cadre. Puis en tant que cinéaste, il fait silence pour s'exposer à ce que lui dit l'œuvre d'art. Le ton est ainsi monocorde et la répétitivité des formes et la discrétion du dispositif assumées. Le film débute par un panoramique qui monte de la chaussée aux toits pour présenter le bâtiment. Yoshida s'approche de l'œuvre d'art, isole des motifs, des couleurs en pointant (ce que se refuseront les Straub) telle ou telle partie du tableau pour la commenter.

 

Une deuxième série dix épisodes (4 heures) sera consacrée à l'Egypte ancienne où on lui permet d'entrer dans les tombeaux des pyramides puis à la Sicile et à d'autres zones géographiques qui sont alors l'unité des épisodes plus que les artistes. Une troisième série est consacré à l'art japonais, classique (Utamaro, Hokusai..) et contemporain.

 

Fin 1977, Mariko Okada, son actrice et épouse le met en garde contre le danger à poursuivre cette série dans laquelle il finirait par se perdre.


 

« Tout le temps que j’ai consacré à Beauté de la beauté, j’ai tâché de garder le silence. Devant moi et la caméra, les oeuvres d’art déjà se tenaient là. Aussi n’était-ce pas moi qui les regardait, mais elles qui m’observaient. C’est pourquoi, écartant autant que possible toute information les concernant, je me suis efforcé d’enregistrer ce regard qu’elles tournaient ainsi vers moi. Je me suis également interdit d’utiliser les adjectifs "beau" ou "belle". Car ce qui est "beau" ne l’est que dans la mesure où le spectateur de Beauté de la beauté le ressent comme tel : seule son imagination pourrait y trouver quelque "beauté" que ce soit. »

 

Kijû Yoshida

 

Préface de Mathieu Capel, historien du cinéma japonais et traducteur.


 

Bosch, le peintre du fantastique - L’hérésie de la Renaissance du nord 1


 

Bosch le peintre du fantastique - L’hérésie de la Renaissance du nord 2

 

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La tentation de Saint-Antoine (vers 1513-1515)
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Le portement de la croix (vers 1515-1516)
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La tentation de Saint-Antoine (vers 1515)
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Saint-Jérôme en prière (vers 1505)
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Tryptique du chariot de foin (vers 1501-1502)

 



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