La politique : l’art de dire une chose et de faire son contraire
Dans ses mémoires, l’ex-président raconte comment l’actuel a appelé à voter Mitterrand.
Par GAUTHIER Nicole
"Nous sommes en mai 1981. Dans quelques jours, le second tour de la présidentielle opposera Valéry Giscard d’Estaing, le président sortant, à François Mitterrand. Jacques Chirac a été éliminé au premier tour. C’est Giscard qui raconte la scène, dans le troisième tome de ses mémoires (1) : « Je compose le numéro. Une voix féminine me répond : "Permanence de Jacques Chirac. A qui voulez-vous parler ?" Je déploie mon mouchoir sur l’appareil, dans l’illusion de rendre ma voix moins facilement reconnaissable. [...] Un déclic, puis une voix masculine, peu aimable. "Je voudrais savoir comment voter dimanche ?" A peine un temps mort. Il me répond tout de suite : "Il ne faut pas voter Giscard. On a dû vous le dire !" "Oui, oui, [...] mais [...] est-ce qu’il faut m’abstenir, ou mettre un bulletin blanc ?" "Il faut voter Mitterrand !" » Le dimanche suivant, 10 mai 1981, François Mitterrand est élu à l’Elysée. Vingt-cinq ans plus tard, Giscard n’a rien pardonné à Jacques Chirac et distille du venin sur 500 pages. Il convoque même François Mitterrand en arbitre des élégances : le 15 décembre 1995, quelques jours avant sa mort, l’ex-chef d’Etat socialiste lui avait raconté un tête-à-tête à l’issue d’un dîner avec Jacques Chirac, chez Edith Cresson, en octobre 1980 : « Je ne me souviens pas des paroles exactes, mais le sens du message de Jacques Chirac était très clair : "Il faut nous débarrasser de Giscard !" J’en ai été très surpris. » Que les chiraquiens aient, en sous-main, appelé au « vote révolutionnaire » en faveur de Mitterrand était certes l’un des secrets politiques les moins bien gardés du pays. Le lendemain du 1er tour, le 27 avril 1981, Jacques Chirac avait fait moins que le strict minimum, annonçant qu’« à titre personnel » il ne pouvait « que voter pour M. Giscard d’Estaing ». Il avait refusé d’assister au dernier meeting de campagne du président sortant, et le 29 avril le comité central du RPR son parti n’avait pas donné de consigne de vote, laissant « le soin à chacun de se déterminer, selon sa conscience, en tenant compte des intérêts de la France ».
Pourtant, des lieutenants de Marine Le Pen ont déjà appelé à voter Sarkozy, comme Bruno Gollnisch
Le jeu politique veut que Marine Le Pen monnaye ses électeurs pour avoir des députés à l’Assemblé Nationale.
Elle qui a fait de l’anti-système son fonds de commerce, elle n’hésite pas à marchander avec le système. Peut-être que c’est de bonne guerre, c’est à ses électeurs d’y penser.
Personnellement, avec condition ou sans condition, ce sont les citoyens qui sont les perdants dans ce jeu politique, le jeu de dupes.