samedi 19 novembre 2016 - par maQiavel

Valdaï : pourquoi et en quoi assistons-nous au retour d’une vision réaliste et westphalienne des relations internationales ?

Le forum international du Club Valdai, qui s’est tenu à Krasnaya Poliana, à côté de Sotchi, a été consacré aux désordres dans la mondialisation. Sont invités aux « chroniques de Jacques Sapir » pour en discuter, l’historien Laurent Henninger, chargé d’études à la Revue "Défense Nationale" et membre du comité de rédaction de Guerres et Histoire et Pierre Gentillet, président du Cercle Pouchkine.

 

 

Vladimir Poutine est l’un des dirigeants qui a tiré les leçons avec le plus de cohérence sur la période qui va de 1991 à 2005 et qui a vue s’avorter le siècle américain que l’on annonçait alors à la suite de l’effondrement du bloc soviétique.

 

Jacques Sapir commence par aborder la question de l’éloignement de la Russie de la CPI. Rappelons que plusieurs pays africains (Gambie, Afrique du Sud et Burundi) avaient auparavant annoncé quitter la CPI, faisant notamment écho aux critiques récurrentes sur le continent de persécution à l'encontre des Africains. La Russie a porté un nouveau coup à la Cour pénale internationale en annonçant son intention de retirer sa signature du traité fondateur reprochant à cette juridiction de ne pas être "véritablement indépendante" et de ne pas avoir été à la hauteur des espoirs suscités. Sur le continent africain, le Kenya, la Namibie et l'Ouganda, grands détracteurs de la Cour pénale internationale, pourraient suivre dans un "effet domino", cependant que le Soudan a lancé fin octobre un appel à tous les pays africains à quitter la CPI.

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Comment apprécier la sortie de la Russie du statut de Rome ? Cette décision hautement symbolique fait écho aux propos tenus par le président Russe au forum de Valdaï :

 

Le président Russe a énoncé les principes que les grandes puissances devraient respecter dans leurs relations. Il en a déduit l’importance de l'existence de principes permettant d’organiser les relations internationales sur une base westphalienne. Cette déduction découle du constat de la différence radicale des valeurs pouvant exister dans chaque pays et de l’absence d’une base morale et éthique commune qui fait que les relations internationales ne peuvent être organisées que sur le principe d’ un droit international qui devient la règle d’unanimité et de respect des souverainetés nationales. Poutine dans son discours va déplorer le fait que les Etats unis tendent à transformer leur droit interne en droit international alternatif au mépris des souverainetés nationales. La cour pénale internationale est d’ailleurs comme le montrent certaines enquêtes un outil politique au service de certaines puissances.

 

Ce retrait Russe du statut de Rome sonne le glas d’une politique internationale fondée sur des valeurs (perception qui a émergée à la fin de la seconde guerre mondiale) pour laisser la place à une politique internationale restreinte à un corps de principes organisateurs réalistes. Réalisme qui pourrait définitivement triompher avec l’élection de Donald Trump et la nomination de la personne pressentie pour occuper le poste de conseiller à la sécurité nationale, le général Michael Flynn dont Laurent Henninger dressera le portrait pendant l’émission.

 

Est ensuite envisagé la possibilité de reconfiguration des relations internationales à la suite de l’élection de Trump. Pierre Gentillet émet une hypothèse intéressante : les Etats unis pourraient se désengager des conflits en Europe et s’entendre avec la Russie au moyen orient , notamment en Syrie , des mesures qui contribueraient à baisser nettement les tensions internationales par la prise en compte par l’administration américaine du statut de grande puissance de la Russie , de sa politique extérieure et de ses intérêts de sécurité nationale propre. Ce serait la ligne Flynn.

 

Mais parallèlement, on pourrait assister à une montée des tensions avec la Chine par le renforcement de la stratégie de « containement », notamment en renforçant la présence militaire dans le pacifique, en se trouvant des alliés fiables à la périphérie de la chine ( le premier dirigeant étranger à rencontrer Trump est le chef de gouvernement Japonais Shinzo Abe ) , et en tarissant les voies d’approvisionnement énergétique pour pouvoir bloquer la croissance chinoise . La révision des accords nucléaire avec l’Iran préconisée par Trump pendant la campagne aurait pour objectif le maintient des sanctions contre ce pays pour limiter le développement de ses relations économiques avec la Chine. Ce serait la ligne Phares (Walid Phares est le conseiller diplomatique de Donald Trump connu pour son hostilité envers l’Iran ).

 

Source : Radio Sputnik

 



20 réactions


  • V_Parlier V_Parlier 19 novembre 2016 15:33

    Des pronostics qui me semblent en effet assez réalistes. Intéressant.


  • ormal 19 novembre 2016 16:51

    Effectivement, les Africains n’aiment pas la CPI...
    Mais attention aux exemples d’abus que l’on peut donner :
    "comme le montrent certaines enquêtes un outil politique au service de certaines puissances."
    Le livre d’Onana a été discrédité a de nombreuses reprises. Et a ma connaissance, aucun des nombreux travaux scientifiques qui ont été publiés depuis ne remettent en cause cette enquete.
    Les bons exemples sont a trouver ailleurs... 


    • maQiavel maQiavel 19 novembre 2016 18:52

      @ormal
      La phrase " Le livre d’Onana a été discrédité a de nombreuses reprises" et la phrase "aucun des nombreux travaux scientifiques qui ont été publiés depuis ne remettent en cause cette enquete" me semblent contradictoires. Du coup , je n’ai pas compris votre remarque ...


    • FRANTA 20 novembre 2016 05:57

      @ormal travaux scientifiques ?


    • maQiavel maQiavel 19 novembre 2016 18:59

      @yoananda

      Ils font des analyses prospectives donc évidement, elles sont spéculatives.

      Sur l’Arabie Saoudite, d’accord avec toi et je rajouterai d’ailleurs la possibilité d’une crise de régime au sein de la gérontocratie Saoudienne liée à l’émergence du prince Mohammed ben Salmane.

      Mais bon, ils n’ont pas pu développer le sujet car l’émission ne faisait que 25 minutes et que ce n’était pas le sujet principal. 


    • maQiavel maQiavel 19 novembre 2016 22:24

      @guepe

      -"faisant notamment écho aux critiques récurrentes sur le continent de persécution à l’encontre des Africains."

      ------> J’ai oublié le « s » à « persécutions », ouhlà, Hieronymus va me taper sur les doigts smiley , mais pour le coup cette faute change le sens de ma phrase , je voulais dire que la CPI est accusée de persécuter les africains.

      -Si j’ai bien compris,l’ordre westphalien correspond à un monde où les différents états accepteraient qu’ils ne peuvent pas etre tout puissant ou dominé tout les autres et se reconnaitrait des zones d’influence qui ne violerait pas entre eux.

      ------> Non, ce n’est pas ça , ce que tu décris correspond plutôt à l’idéalisme en relation internationale.

      En quelques mots dans lordre westphalien, le centre des relations internationales, ce sont les relations interétatiques. Le monde est dans cette logique morcelé entre Etats au sein desquels la souveraineté doit être respectée par les états limitrophes en vertu de la conception westphalienne de la frontière.

      Cela ne veut pas dire que cet ordre proscrit la guerre, il ne peut pas le faire car c’est la guerre qui lui a donné naissance et c’est la guerre qui est l’instrument nécessaire à son fonctionnement. Seulement, les guerres entre les Etats ne se font pas au nom d’antagonismes idéologiques mais au nom d’intérêts dans une dialectique des forts et des faibles donnant naissance à un équilibre des puissances et à des normes qui vont donner naissance à un droit dit international.

      Bien sur cet ordre westphalien a connu des interruptions mais il ya une rupture avec le procès de Nuremberg : on va établir quil ya un bien et un mal, un gentil, un méchant et des victimes et il sagit non pas seulement de détruire ou de dépecer lEtat ennemi mais de punir ses dirigeants moralement et juridiquement.

      Le principe selon lequel la guerre est avant tout une relation d’Etat à Etat et chaque Etat ne peut avoir comme ennemi que d’autres Etats et non pas des hommes, est rompu.

      Cette logique manichéenne des relations internationales va se poursuivre pendant la guerre froide à cause notamment de l’antagonisme idéologique entre les deux blocs en présence. A l’effondrement du mur de Berlin , la superpuissance américaine a voulu imposer son nouvel ordre international sur ce modèle , par l’intermédiaire notamment du « régime change » hérité de la guerre froide afin de faire tomber les régimes hostiles et punir les vilains dirigeants d’Etats récalcitrants.

      Regarde la Syrie : il ne s’agit pas dans la narrative des puissances occidentales de mener une guerre contre l’Etat Syrien pour des intérêts bien précis , il s’agit de s’ingérer dans la politique interne Syrienne en aidant une opposition interne diplomatiquement , militairement , médiatiquement et financièrement pour renverser des dirigeants accusés de massacrer leur peuple , la narrative occidentale se construit sur l’ingérence humanitaire. Pareil pour la Lybie, la cote d’Ivoire, la Yougoslavie etc.

      Lorsque Napoléon faisait la guerre, ce n’était pas avec le prétexte que le Tsar de Russie ou la reine d’Angleterre étaient des incarnations du mal. On fait la guerre à un Etat, on le vainc, on le démembre ou on l’ampute de ses territoires mais on ne viole pas la souveraineté du vaincu qui reste maitre chez lui dans la portion de territoire qu’il lui reste. Et Napoléon lui-même lorsqu’il a perdu n’a pas été jugé et condamné comme le vilain de l’histoire, il a été exilé, point barre.

      Le gros problème que pose l’organisation de l’ordre international autour de valeurs, c’est que les guerres se conduisent selon des principes totaux, ce qui mène au fanatisme et donc à la guerre la plus cruelle. C’est quasiment religieux : on ne dialogue pas avec des monstres qui incarnent le mal absolu, on les élimine.

       


    • Sentero Sentero 20 novembre 2016 18:56

      @maQiavel

      Dans le cas de l’annexion de la Crimée (je ne vais pas épiloguer sur le terme lui-même ce n’est pas le but de mon post) n’est-ce pas pourtant une "ingérence humanitaire" qui a été mise en avant par Moscou (protection des russophones menacés quasiment de génocide ;) ) et le "mal absolu" (les méchants nazis :) ) qui ont été mis en avant pour justifier l’ingérence ? ingérence pas moins forte que celle des Occidentaux en Syrie...


    • maQiavel maQiavel 21 novembre 2016 08:12

      @Sentero

      C’est une interprétation hâtive du déroulement du processus de rattachement de la Crimée à la Russie. Parce que selon la même logique, on pourrait dire que l’annexion des sudètes par l’Allemagne Nazie relève du droit d’ingérence humanitaire puisque les dirigeants Allemands prétendaient vouloir  libérer les Allemands des Sudètes de l’oppression tchécoslovaque. Non, ce n’est pas sérieux. smiley

      Il faut se rappeler que dans la narrative de Moscou, il n’était pas question de s’ingérer militairement dans la guerre en Ukraine,  la Russie a toujours nié la présence de soldats russes en Crimée et insistait sur le fait que les soldats qui contrôlaient la péninsule étaient des « forces locales d’auto-défense ». Tout ce qui a suivit dans cette narrative relevait du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ( le référendum d’autodétermination ) en s’appuyant sur le précédent du Kosovo ( c’était la preuve selon Moscou qu’une déclaration unilatérale d’indépendance d’une partie d’un État ne violait aucune norme du droit international ) et ensuite d’une politique panrusse ( le rattachement de la Crimée à la fédération de Russie ) car il s’agissait d’une région ou les Russophones étaient majoritaires. Je ne dis pas que cette narrative était la vérité, ce n’est pas la question …

      De plus, il faut rappeler que le pouvoir Russe n’a jamais prétendu vouloir juger les dirigeants Ukrainiens pour crime contre l’humanité et n’a pas déclenché de guerre sur ce prétexte.

      Cette affaire n’a rien à voir avec le droit d’ingérence humanitaire, au contraire cette annexion ( car c’en est une concrètement , je ne vois pas comment on peut le contester ) s’est faites selon une logique tout à fait Westphalienne. 


    • Sentero Sentero 21 novembre 2016 09:50

      @maQiavel

      En gros je suis d’accord avec votre point de vue... mais je me demande si à terme (et vu les élections récentes et à venir) les pays baltes ne risquent pas de devenir un jour ou l’autre victimes de cette logique westphalienne... en ce qui me concerne (et même si cela fait sur-réagir sur Agoravoxtv) je considère que dans cette logique westphalienne seule l’Otan peut garantir que cela ne soit pas le cas même si, dans l’idéal, se sont les Européens qui devraient être capables de se protéger entre eux (mais je n’y crois pas et de moins en moins)...

      Quant au "droit des peuples à disposer d’eux-même" argué par Moscou dans le cas de la Crimée je remarque qu’il n’a pas du tout était proposé aux tchétchènes (sous la forme d’un referundum par exemple) et seule la solution militaire a été utilisée... c’est un autre problème mais cela montre que le droit des peuples à disposer d’eux-même est généralement mis en pratique quand on connait d’avance la réponse populaire... dés qu’il y a une incertitude ou un risque sérieux d’être déçu par cette réponse on passe directement par la case répression (et ce que je dis est une généralité, je ne dis pas cela particulièrement pour la Russie).


    • maQiavel maQiavel 21 novembre 2016 10:33

      @Sentero

      Je parle bien de narrative, c’est-à-dire en quelque sorte du discours de légitimation d’une action politique. Je ne dis pas que le référendum de Crimée a vraiment eu lieu pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes mais que c’est le discours qui était tenu pour le légitimer. Après si on sort des questions de communications, c’est évidemment plus compliqué, la réalité politique est plus hypocrite, vous mentionnez la Tchétchénie avec raison , c’est comme le droit d’ingérence humanitaire, c’est le discours tenu par les puissances occidentales pour légitimer des interventions mais il n’existe que pour masquer des intérêts plus terre à terre.

      De façon générale, tout ce qui tourne autour des discours de légitimation est hypocrite, ils consistent à se parer de vertus pour masquer des objectifs de puissance, c’est vieux comme la politique …

      Concernant les pays Baltes , je ne crois pas du tout mais alors absolument pas qu’il y’ait un quelconque danger. Ce qui s’est passé en Ukraine mettait en danger la sécurité nationale Russe, il était logique que la Russie agissent pour rattacher la Crimée à son territoire, c’était en réalité une mesure défensive. Pour les pays Baltes, c’est une autre histoire, la classe dirigeante Russe n’est pas du genre à aller à l’aventure partout n’importe comment … 


    • Sentero Sentero 21 novembre 2016 11:28

      @Hieronymus et Maqiavel

      Et bien je souhaite évidemment que vous ayez tous les deux raisons, cela étant les Russes sont bien restés à Kaliningrad alors qu’ils n’avaient rien de plus à "y foutre" que dans le reste de la zone (sur un plan ethnique, linguistique, religieux, culturel, historique)...   smiley


    • Sentero Sentero 21 novembre 2016 14:29

      @Hieronymus

      OK je vois mieux le problème maintenant... c’est un héritage de la purification ethnique de l’après guerre (ici apparemment même pas purification ethnique mais tabula rasa ethnique)... c’est une anomalie en somme...


    • Sentero Sentero 21 novembre 2016 15:38

      @Zatara

      une diatribe à charge parfaitement géolocalisé m’a donner une petite remonté gastrique...un burp humide et légèrement acide

      Croyez bien que ce n’était absolument pas mon intention   smiley


    • Sentero Sentero 21 novembre 2016 15:41

      @pegase

      Non je n’ai pas l’intention de dénoncer particulièrement des nazis ukrainiens en partie imaginaires (quand on veut tuer son chien on l’accuse de la rage...) cela me semble infiniment moins grave que l’annexion de la Crimée par la Russie...


    • Sentero Sentero 21 novembre 2016 23:00

      @pegase

      "vous prenez fait et cause pour ces gens là"

      Je prends fait et cause pour les Ukrainiens qui ne veulent pas être un protectorat russe, j’en connais personnellement plusieurs... aucun n’est de près ou de loin nazi... ce sont des nationalistes classiques (c’est ce qui me dérange un peu d’ailleurs j’ai une certaine méfiance envers le nationalisme... mais dans certains cas il s’agit d’autodéfense voire de survie) qui préfèrent, entre deux maux (l’influence russe et l’influence atlantiste) celle qui leur parait, par expérience historique, la moins périlleuse et la plus lointaine...



  • Qamarad Qamarad 19 novembre 2016 22:58

    Très intéressant, merci. Bien que l’émission fût courte, c’est plaisant de la voir bien animée, et faite d’interventions où le propos se développe sans contraintes et sans injonction émotionnelle. Bref, tout le contraire de l’hystérie dominante.


  • sls0 sls0 19 novembre 2016 23:14

    Très intéressant, ça fait plaisir d’entendre des gens qui maitrisent leur sujet.


  • Sentero Sentero 21 novembre 2016 09:59

    Moi aussi je considère que Juppé était un bien meilleur adversaire que Fillon vu du FN... en revanche vu de la gauche c’est vraiment le contraire... le problème c’est vu de la France en général et là j’ai du mal à les départager pour l’instant...


    Quant à voter Juppé au second tour des primaires effectivement des sympathisants du FN devraient aller voter pour lui (et ne le feront pas) alors que des sympathisants de gauche devraient eux aller voter Fillon (et ne le feront pas) :
    1 cela pourrait s’équilibrer au final s’ils le faisaient
    2 cela donnerait lieu à des scènes cocasses dans les bureaux de votes... Tiens mais tu votes au primaires de la droite toi ??? ...oui mais toi aussi à ce que vois !!!  smiley

    • maQiavel maQiavel 21 novembre 2016 10:13

      @Sentero
      Exactement, avec la victoire de Fillon, le PS sabrera le champagne, Juppe aurait siphonnné son électorat à un tel point que l’hypothèse d’un Melenchon devant le candidat du PS était un scénario très probable. L’élimination de Juppe serait aussi une fantastique aubaine pour Macron... 


    • Sentero Sentero 22 novembre 2016 00:31

      @Zatara

      "le seul qui ne subira pas un vote sanction, c’est encore Macron.... Mais là, rien ne me fera plus marrer que de voir le peuple de gauche voter en masse pour un banquier...."

      Vous allez rire deux fois car dans ce cas vous verriez le peuple de gauche voter (sans succès) pour un banquier au premier tour puis voter pour un libéral de droite (tendance catho en plus) au deuxième tour...   smiley   smiley


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