Mathias Cohen 9 mars 2017 13:30

Merci pour cette vidéo bien faite et qui permet d’aborder le fond de la discussion Asselineau-Mélenchon (qui aura peut-être bientôt lieu, puisqu’il semble qu’Asselineau soit en passe d’avoir recueilli ses signatures).
Il y a un point qui concerne l’approche générale du traitement du sujet, c’est l’utilisation de la méthode Asselineau, qui consiste à confondre son point de vue souverainiste avec la vérité. En gros pour Asselineau : "Je suis souverainiste donc je pense que l’Europe est une impossibilité" devient "L’Europe est une impossibilité, c’est une vérité indépassable". Cette vision pose un problème en ce sens qu’elle nie la construction politique de la réalité dans le cadre de la perspective de l’accession au pouvoir. C’est cette distorsion qui explique pourquoi Asselineau n’est pas dans un débat avec ses interlocuteurs, mais qu’il les accuse sans arrêt de vouloir dissimuler leurs intentions véritables. Ce qui s’explique parfaitement : l’Europe est impossible, c’est la réalité, donc les autres candidats ne peuvent qu’être in fine d’accord avec moi, donc, dans la mesure où ils semblent ne pas manquer d’intelligence, ils mentent (ce qui explique à mon avis pourquoi Asselineau s’énerve assez vite dans les débats).
Je pense que cette analyse de François Asselineau est erronée. En fait, Mélenchon n’a tout simplement pas la même vision des choses qu’Asselineau, et c’est tant mieux, cela ne peut qu’enrichir les échanges. Mélenchon n’a pas la même culture politique. Le souverainisme de Mélenchon ne représente pas une fin en soi, il est un moyen pour arriver à un mode de gouvernement qui favorise la répartition des richesses. Dans ce cadre, l’Europe n’est pas LE problème, elle est UN problème, et elle ne l’a d’ailleurs pas toujours été, puisqu’elle était même une solution à une époque. Mais c’est pareil, Asselineau ne peut pas envisager que des hommes et des femmes politiques aient pu croire à ce projet, car, en bon souverainiste, il pense que l’Europe est vouée à l’échec depuis le début.
Perso, je suis plutôt en accord avec le souverainisme de moyen de Mélenchon plutôt que le souverainisme de fond d’Asselineau, car je ne pense pas que le retour à la Nation soit une condition suffisante à l’avènement d’une société plus juste. Ce retour à la Nation est une condition nécessaire, mais plus conjoncturelle que structurelle, à une société plus juste. En effet, je ne pense pas qu’il faille fermer la porte à l’idée d’une entente supranationale, si celle-ci nous parait aller dans le bon sens, et ce n’est pas parce que cela ne s’est jamais vu dans l’histoire que cela ne se fera jamais. On peu imaginer que des convergences sociales et fiscales permettent de dépasser les problèmes liés à la monnaie, par exemple.

Une dernière chose : Mélenchon veut un modèle économique de gauche, qui a beaucoup moins de chance, historiquement, de voir le jour que celui qu’affectionne Asselineau : les trente glorieuses paternalistes, capitalistes et productivistes ne sont pas la tasse de thé de Mélenchon. Donc la difficulté européenne est, de ce point de vue, plus facilement assimilable aux autres difficultés qui empêchent traditionnellement un pouvoir socialiste de prendre les rennes, et que les gens de gauche ont profondément assimilé. L’accession de la (vrai) gauche au pouvoir a toujours a voir avec l’extraordinaire, une situation quasi révolutionnaire (Mélenchon parle de révolution par les urnes, ce qui ne signifie pas que chacun reste bien tranquillement chez lui et ne sort que pour mettre un bulletin dans l’urne, bien au contraire), et donc, dans ce contexte, la désobéissance à un certain nombre de lois qui semblent en temps normal indéboulonnables devient tout d’un coup possible : envoyer balader le FMI, ne pas rembourser sa dette, etc... Le légalisme d’Asselineau n’a à mon avis pas beaucoup de chance de faire advenir ce genre d’événements, et donc l’avènement d’une société plus juste s’en éloigne d’autant...


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