Rounga Rounga 23 septembre 2015 16:27

@maQiavel
La question de la limite de la liberté est réglée dans la philosophie politique moderne de la manière suivante : la liberté d’un individu ne doit pas empiéter sur celle d’un autre. Par conséquent, toute diffamation ou appel au délit outrepasse la liberté d’expression. Mais le problème est que l’expression humaine comporte des degrés : on peut s’exprimer au premier degré comme on peut manier l’ironie pour dire le contraire de ce qu’on signifie. L’art est le lieu par excellence où on utilise ce genre de procédés, justement pour dépasser et sublimer le discours direct et parvenir à une description plus adéquate de ce dont on traite. L’artiste peut donc être amené à dépasser formellement les limites de la liberté d’expression, même si dans l’esprit il les respecte. Mais alors l’artiste doit-il se brider dans son art pour éviter de donner à penser qu’il s’exprime au premier degré, ou bien doit-on laisser une sorte de licence poétique à quiconque se proclame artiste ? Dans le premier cas, on aseptise l’art jusqu’à le vider de sa substance, mais dans le second cas, n’importe quel hurluberlu peut dire n’importe quoi et se justifier ensuite : "c’est de l’art !". On voit donc que le problème des limites de la liberté d’expression, qui est formellement très simple, peut se révéler quasiment insoluble dans certains cas. On ne peut en effet pas définir juridiquement, c’est-à-dire formellement, ce qui est du second degré et ce qui n’en est pas, puisque justement le second degré se situe au-dessus du formel. Il fut un temps où l’usage du second degré était compris par tout le monde, et où Desproges pouvait faire un sketch sur les Juifs sans que cela suscite la moindre indignation. L’alternative se résume donc à celle-ci : soit l’esprit des gens a changé au point que chez toute une partie de la population, certains propos dits sous couvert d’humour ne passe plus, soit nous assistons véritablement à une recrudescence de propos délictueux prononcés sous le paravent de l’humour. Dans les deux cas, on constate que quelque chose a changé depuis une trentaine d’années. La question est donc de savoir ce que c’est.


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