Joe Chip Joe Chip 6 septembre 2015 14:24

Bon article, je voulais justement répondre à Micnet sur un autre article avant de renoncer à polémiquer inutilement au sujet de Tocqueville, que les anti-démocrates et anti-modernes ont tendance à réduire à une seule citation décontextualisée.

Tocqueville est évidemment démocrate, son but était de préserver les bons aspects d’un système politique qu’il estimait supérieur aux autres en incitant le corps politique à en limiter les dérives qu’il avait commencé à observer en Amérique.

Tocqueville, toutefois, estimait suffisamment le peuple pour penser que ce dernier avait la capacité, pour peu que l’on s’emploie à lui en donner les moyens, de se réformer, de s’émanciper, de se prendre en main. En ce sens, il est donc indéniablement un moderne qui ne partage pas le pessimisme des "anciens" et des conservateurs sur la nature humaine. Cela conduit aussi à relativiser l’étiquette de "libéral" dont on l’affuble abusivement. D’une certaine manière, Tocqueville anticipe Marx quand il réfléchit sur les conséquences idéologiques et morales produites par la "masse d’homme indifférenciée" caractéristique de la démocratie et du monde moderne. En outre, sa pensée se heurte aux cannons du libéralisme classique sur de nombreux points. 
Comme Chateaubriand et la plupart des aristocrates libéraux, il conservait un attachement personnel, intime autant que moral aux anciennes valeurs aristocratiques qu’il ne confondait point avec ses engagements politiques :

Démocrate par nature, aristocrate par moeurs, je ferais très volontiers l’abandon de ma fortune et de ma vie au peuple, pourvu que j’eusse peu de rapport avec la foule (Châteaubriand)

Le XIXème siècle révolutionnaire fait encore la différence entre le peuple - communion mystique entre le pluriel et le singulier, entre les humbles et les héros - et la foule indifférenciée, industrieuse et lasse qui commence à apparaître dans la littérature naturaliste (Flaubet, Zola) où les individus deviennent des productions stéréotypées de leur milieu social.
Tocqueville, comme Hugo, se situe un peu à l’intersection de ces deux univers, il a un oeil tourné vers le monde d’avant - qu’il sait perdu - et un autre tourné vers le monde qui vient - qu’il sait inévitable -, une conscience aristocrate qui interroge, examine et encadre une pensée démocratique et sociale.

Peut-être devrait-on s’inspirer de leur démarche en cessant d’opposer ce qu’il conviendrait de conjuguer, sortant ainsi de la dichotomie infernale entre Tradition et Modernité, collectivisme et individualisme, obligations et droits  ?



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