jeudi 12 mai 2016 - par maQiavel

« L’autorité », analysée par Yann Martin

Voici une conférence passionnante sur la question de l’autorité donnée par Yann Martin professeur agrégé de philosophie à Strasbourg.

 

 

Au cours de cette conférence, Yann Martin va établir une distinction entre « autorité » et « pouvoir ». Bien que ces deux notions se manifestent par l'excercice de la « puissance » (la capacité à « faire » soi même et à « faire faire » aux autres), cette puissance ne s'excerce pas de la même façon suivant le cas.

 

Le pouvoir

 

Le pouvoir est le commandement structuré socialement et partagé en fonction hiérarchique. Il est l’exercice de la volonté de puissance d’un acteur sur un autre et institue une relation de domination entre le supérieur et l’inférieur hiérarchique qui aboutit à la soumission et à l’assujettissement de ce dernier.

 

Deux outils permettent d'obtenir le pouvoir à celui qui y aspire :

 

  • La force : être dominé, c’est subir l’emprise de plus fort que soi, le dominant va donc exercer sa volonté de puissance sur le dominé par la coercition et ainsi assoir son pouvoir.

 

Cependant, la force a sa propre fragilité : tout pouvoir en tant qu’exercice de la volonté de puissance vient buter sur la volonté de puissance de ceux sur qui il s’exerce, par conséquent, il a toujours à conjurer le risque de la critique, de la contestation, de la révolte , du retournement de rapport de force et de la révolution. Le détenteur du pouvoir ne peut indéfiniment garder le monopole de la coercition avec lui et il ne peut rester éternellement le plus fort.

 

Celui qui exerce le pouvoir ne peut donc jamais se maintenir que de sa propre force justement parce que face à lui, il y’a d’autres volonté de puissance qui peuvent le subjuguer, il doit donc faire intervenir un autre outil.

 

  • La persuasion : le pouvoir ne se satisfait jamais de l’obéissance crue, il faut que la relation de domination soit acceptée comme juste. La force est si fragile que pour se transformer en pouvoir, elle demande à être légitimée. La stratégie de celui qui aspire à exercer le pouvoir est donc de transformer sa force en droit et l’obéissance de ceux qu’il domine en devoir.

Ce processus de légitimation s’appuie sur la croyance : il y a croyance lorsqu’il y a une affirmation non vérifiable qui est considérée comme l’expression d’une vérité indiscutable. Le pouvoir n’existe que si on croit que celui qui l’exerce est celui qui doit l'excercer.

 

C’est ainsi que le fonctionnement politique permet de déguiser les rapports de force en processus de légitimation par l’intermédiaire de la théâtralisation du pouvoir : en effet, il n’ya pas de pouvoir sans signes qui représentent le pouvoir, il n’y a de pouvoir que mis en signe à travers des symboles qui vont frapper l’imagination et qui supposent une mise en scène théâtrale de ces symboles.

Les représentations humaines sont puissantes et gouvernent les hommes davantage que ceux qui croient gouverner, ils ne peuvent d’ailleurs gouverner que tant que la représentation que les gouvernés se font d’eux coïncide avec la représentation qu’ils espèrent que ces derniers aient d’eux. C’est un jeu d’illusion et de mystification.

 

Cependant la légitimité de celui qui gouverne (qu’elle soit religieuse, traditionnelle, charismatique etc.) n’est jamais totale, par conséquent aucun pouvoir n’est absolument légitime, une fois que la croyance sur laquelle elle se fonde est considérée par le gouverné comme une imposture, cette légitimité s’évanouit et le détenteur du pouvoir est contesté.

 

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L’autorité

 

L’autorité substitue aux relations de domination propre au pouvoir, des relations de subordination : être subordonné, c’est recevoir sa place d’un ordre surplombant.

 

Elle exclut la contrainte et la persuasion cependant sa puissance est plus grande que celle du pouvoir, il n’y a d’autorité réelle que là ou la puissance est telle qu’il n’est point besoin de la forcer. Celui qui parle avec autorité est celui qui n’a pas besoin d’élever la voix, celui qui agit avec autorité est celui qui n’a pas besoin de forcer les événements, il suffit qu’il parle et on écoute sa parole, il suffit qu’il oriente, qu’il dise ce qu’il faut faire et on fait comme il dit.

 

L’autorité ne s’institue pas, elle est une caractéristique non transférable qui existe en vertu des exploits et des succès réalisés par son détenteur ainsi que de compétences et de vertus reconnues en lui, on peut transférer et recevoir le pouvoir et mais on ne peut transférer et recevoir une autorité.

 

Alors que le pouvoir s’exerce de haut en bas puisque le dominant impose son pouvoir au dominé, l’autorité quant à elle s’exerce de bas en haut puisqu’elle n’existe que si elle est reconnue par celui sur qui elle s’exerce : n’a autorité que celui à qui on donne autorité en reconnaissant l’autorité qui est la sienne, la subordination et la domination ne doivent donc pas être confondue !

 

 

La source de l’autorité transcende son détenteur : celui sur qui elle s’exerce reconnait des qualités particulières à celui qui détient l’autorité mais éprouve en même temps quelque chose qui le dépasse, qui le déborde, quelque chose de plus grand que lui. Elle implique le respect c.à.d. la reconnaissance de l’inaliénable dignité de ceux qui la détiennent.

L’autorité n’est pas un don naturel, on ne nait pas avec l’autorité, elle est ce qui advient avec la compétence, le savoir faire, la prudence, l’expérience, la distance critique, la hauteur de vue, elle a à voir avec une certaine sagesse reconnue.

 

L’autorité a rapport au temps : au passé car elle y enracine son expérience, au présent car elle s’exerce maintenant et au futur car l’autorité véritable est celle qui n’est pas menacée d’être liquidée.

 

La relation autorité-pouvoir

 

L’ordre autoritaire est toujours hiérarchique mais sa hiérarchie ne calque pas et ne double pas la hiérarchie du pouvoir, il se dispense des effets de théâtralisation. En effet, l’autorité s’ignore elle-même comme autorité, elle n’est jamais aussi puissante que lorsqu’elle est ignorée de son détenteur, l’autorité revendiqué c.à.d. celle que l’on pose comme étant la sienne se déprave en autoritarisme et sombre dans le ridicule, le risque de perdre l‘autorité est grand lorsqu’on la met en scène. L’autorité implique le refus des postures.

Le pouvoir aussi fort soit il ne suffit pas à ordonner une société, il ne peut ordonner qu’en donnant l’ordre mais cet ordre qu’il donne n’aboutit pas à l’institution d’un ordre stable quand bien même il serait obéit. Pour instituer un ordre durable, il faut le recours de l’autorité qui va transformer une mise au pas en mise en ordre.

 

Cependant, pouvoir et autorité ne s’excluent pas forcément : pour fonctionner de façon optimale et durable, le pouvoir a besoin de l’autorité qui peut même être ce qui assure le pouvoir de l’exercice du pouvoir en l’accroissant et en l’augmentant.

 

Le pouvoir institué, s’il ne correspond pas à une autorité réellement reconnue, est celui qui s’affirme par les abus de pouvoir.

 

 Yann Martin va conclure son exposé en postulant que toute société a besoin d’un pôle de pouvoir institué (la capacité à contraindre) et un pôle d’autorité (la capacité à mobiliser).

 

 

Source :

Nicolas Clément

 



162 réactions


  • Heimskringla Heimskringla 12 mai 2016 19:39

    Passionnant. Merci pour le partage maQ.


  • lupus lupus 12 mai 2016 21:27

    L’autorité ? une chimére de l’homo économicus


  • Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 12 mai 2016 23:31

    Je me suis pris à lire le texte de l’article avant de lancer la vidéo. C’est très intéressant, je n’avais jamais réfléchi à poser ainsi l’articulation entre autorité et pouvoir. Mais finalement c’est assez évident. 


  • Chitine Chitine 13 mai 2016 11:49

    Merci maQiavel,
    (ainsi que pour "les Gracques")


  • lupus lupus 13 mai 2016 11:58

    "l’autorité" et la soumission (version économique) : en 2016 dans un pays riche,éduqué,démocratique,droit de l’hommiste, avec un système capitaliste sensé apporter le bonheur sur la planète terre.

    "États-Unis : privés de pause-toilettes, des employés portent des couches.Les employés du secteur volailler aux États-Unis travaillent dans un tel climat de peur qu’ils n’osent pas demander de pause pour aller aux toilettes et portent des couches au travail, affirme l’ONG britannique Oxfam dans une étude. D’après ce rapport publié mardi 10 mai, « la grande majorité » des 250 000 ouvriers du secteur avicole américain « dit ne pas bénéficier de pauses-toilettes adéquates »"


    • Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 14 mai 2016 13:54

      @lupus
      "D’après ce rapport publié mardi 10 mai, « la grande majorité » des 250 000 ouvriers du secteur avicole américain « dit ne pas bénéficier de pauses-toilettes adéquates »"


      Et alors ? Est-ce que les poules ont des pauses pipi ? Ils n’ont qu’à faire comme elles !  smiley


  • herve_hum 13 mai 2016 14:19

    Curieux de ce qu’allait dire ce professeur, des fois qu’il sorte du lot et puis surtout pour y apprendre quelques citations d’auteurs célèbres et ainsi enrichir ma maigre érudition, il a fallut à peine dix minutes pour refroidir complètement mes espoirs. Au final, que des lieux communs, des concepts éculés et biaisés et un propos confus, contraire au but affirmé par l’auteur en début de son exposé.

    Un exemple, parce que reprendre tout son exposé serait trop long. Il dit que la véritable autorité n’est pas transférable, parce que attaché à la personne, contrairement au pouvoir, ce qui est soutenable. Dont acte. Mais alors, pourquoi croit t’il nécessaire de dire que l’autorité se fait du bas vers le haut ? Sans doute pour dire quelque chose qui sorte de l’ordinaire, des sentiers battus et rebattus. Faire une tentative audacieuse où il interpelle son audience qui, sans doute surpris devant cette audace, ne trouve rien à redire.

    Sauf que c’est absurde, car si l’autorité n’est pas transférable parce que une qualité propre à l’être, alors, cela veut dire qu’il n’y a pas de hiérarchisation possible, dans un sens ou dans l’autre. Il prouve avec cette idée simpliste qu’il balance comme des dés en espérant sortir un 421, qu’il ne maîtrise pas son sujet.

    Loin s’en faut, car au lieu de clarifier la distinction entre deux termes synonymes et qui portent à confusion, il relai cette dernière. En effet, il garde la définition de la puissance comme la capacité à « faire » soi même et à « faire faire » aux autres, mais qui procède du pouvoir. La confusion est ici très grande et est voulu ainsi par les maîtres sophistes qui ont définit le sens des mots, précisément pour interdire toute compréhension claire. Donc, bien qu’il affirme que le rôle du philosophe est de mettre de la clarté (sauf pour les sophistes) il fait tout le contraire, notamment en relayant cette confusion des termes.

    Ainsi, dans le langage courant, la définition du mot puissance est prise pour le mot pouvoir. On ne dit pas "je suis puissant pour faire ceci ou cela", mais "je peux faire ceci ou cela". De fait, la puissance n’est pas, dans le langage courant, la capacité à faire soi même ou faire faire aux autres, mais exprime le niveau de cette capacité à faire ou faire faire aux autres. La capacité étant la définition du pouvoir. Cette distinction sera d’ailleurs soutenu par l’emploi du mot puissance dans le domaine scientifique. La distinction est subtile et perverse, faut bien le reconnaître.

    Enfin, on notera, pour appuyer cette distinction, qu’on parle de la puissance d’un état quand à son niveau d’action par rapport aux autres, c’est à dire, que c’est la graduation dans le niveau de puissance qui distingue le pouvoir et non l’inverse. Autrement dit, tout état est doté du pouvoir (capacité) d’agir, mais c’est son niveau de puissance qui détermine, relativement aux autres, son niveau d’action. Une super puissance n’interdit pas aux autres d’agir en tant que puissance, mais limite leur pouvoir, soit donc, leur capacité a faire et faire faire.

    Mais voilà, le mal produit par ce genre de confusion volontaire est très profond et je doute qu’il y ait quelqu’un ici pour suivre. Mais il suffit d’avoir à l’esprit que, même en gardant les définitions admises, le pouvoir précède la puissance, car c’est bien la détention du pouvoir qui donne la puissance et fait que la capacité n’est pas dans la puissance, mais dans le pouvoir. La puissance détermine donc le niveau de cette capacité.

    L’ironie de l’histoire, c’est que ce sophisme confusionnel, est motivé pour les raisons qu’il donne dans sa conférence, à savoir, tromper les gens pour mieux les manipuler, mais au lieu de dénouer ces fils, ils les serres un peu plus.


    • Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 14 mai 2016 13:50

      @herve_hum
      "Il dit que la véritable autorité n’est pas transférable, parce que attaché à la personne, contrairement au pouvoir, ce qui est soutenable. Dont acte. Mais alors, pourquoi croit t’il nécessaire de dire que l’autorité se fait du bas vers le haut ?"


      Cela me semble clair : parce qu’il nomme "autorité" ce qui est conféré à une personne par le fait nécessaire et suffisant qu’on lui reconnaisse spontanément de la valeur... et NON par le fait que cette personne puisse s’imposer par la force ou la persuasion. Par exemple, de nombreux Français reconnaissaient une certaine autorité morale en la personne de l’abbé Pierre sans qu’il fût besoin pour ce dernier de constamment montrer qu’il était "le plus fort" (comme doit en revanche le faire un professionnel de la politique ou de la compétition sportive, ou même un cuisinier étoilé). 


    • maQiavel maQiavel 14 mai 2016 14:50

      -L’échelle me semble importante là aussi.

      Elle est fondamentale. C’est ce qui distingue les communautés primitives des sociétés et qui permet de comprendre leur rapport avec le pouvoir (qu’elles essayaient de limiter en empêchant la réalisation pratique de la hiérarchie politique) et avec l’autorité ( qui elle au contraire était au centre des interactions sociales et découlait du fait que ces communautés ne connaissaient pas l’écriture et que les anciens étaient en quelque sorte dépositaire de la tradition , de l’histoire et des systèmes juridiques).

      Dans le passage des communautés aux sociétés , la question de la démographie de la collectivité est l’un des paramètres le plus important.


  • herve_hum 13 mai 2016 14:45

    Je terminerai en corrigeant la citation de Rousseau

    Le plus fort n’est jamais assez fort pour être toujours le maitre, s’il ne transforme sa force en droit et l’obéissance en devoir. De là le droit du plus fort.

    Là aussi, c’est faux, mais le sophisme est très subtil et si je considère Rousseau comme un vrai philosophe (donc, non sophiste), le fait d’une confusion involontaire.

    En fait, le plus fort ne doit pas transformer sa force en droit, mais en devoir et c’est ce dernier qui lui donne toute sa puissance d’action. Car s’il transformait seulement sa force en droit, alors, il finirait par perdre sa puissance.Ceci, parce que moralement, la force brute ne peut pas être un droit, mais l’absence de droit. Elle ne peut prendre la forme du droit, qu’en étant reconnu en tant que devoir d’être appliqué. Donc, vu comme une violence nécessaire (c’est ce qui est vendu aux CRS pour taper sur les manifestants !).

    Pour transformer sa force brute en devoir, il doit la justifier par la menace d’une force qui soit pire que la sienne et donc, faire passer sa propre force comme une nécessité pour éviter une menace supérieure. Sa force devient alors un devoir reconnu par les autres et qui appellent cette force, duquel il pourra alors justifier son droit d’en tirer profit.

    Toutefois, l’obéissance reste effectivement un devoir, mais par la sécurité que le détenteur de la force procure à ceux ci, qui est alors, le droit qu’ils tirent du détenteur de la force.

    Difficile de remettre de l’ordre dans la logique, après quelques millénaires de manipulation !


  • herve_hum 13 mai 2016 23:30

    @herve_hum

    bon, pour celui qui aurait du mal à saisir, l’équilibre entre droit et devoir se résume ainsi.

    pour le détenteur de la force, défendre est son devoir, l’impôt est son droit.

    pour le protégé de la force, la sécurité est son droit, l’obéissance (à travailler et payer l’impôt !) est son devoir.

    Simplement, ici, le détenteur de la force, parce que détenteur de la force, n’a pas obligation à respecter l’équilibre et peut abuser de son pouvoir, en fonction de sa puissance.

    Dans le système actuel, la bourgeoisie à modifié le sens de la relation ! Comment ? pour le dire en quelques mots, en montrant que la noblesse (détentrice de la force) n’accomplissait plus son devoir. Bon, c’est plus subtil, mais le commentaire n’a pas pour but de développer, pour cela, mieux vaut lire mes articles traitant de la responsabilité.

    Pour ce qui est de l’autorité véritable, celle ci se distingue de l’autoritarisme en étant son propre centre de gravité, donc, vers où tout converge. Il n’y a pas de haut et de bas, la hiérarchie est abolit, seule compte la compétence reconnu à la personne, qui peut alors exercer son autorité sans devoir élever le ton.

    de fait, le principe s’applique aussi au chef de guerre, dès l’instant où sa compétence de général est reconnu, on peut parler d’autorité véritable et s’exerce comme les autres.

    Le jeu est simple et clair, mais à la manière d’un kaléidoscope, c’est la multiplication des relations qui complexifie exponentiellement le jeu.


  • ffi 14 mai 2016 02:00

    Pouvoir temporel (force) / Pouvoir spirituel (autorité).


  • herve_hum 14 mai 2016 09:54

    traiter du rapport entre pouvoir et puissance est plus subtil.

    La puissance n’est pas la capacité à faire, mais l’énergie requise pour faire, qui découle de la capacité à produire cette énergie.

    Cela veut dire, que si la capacité à produire l’énergie nécessaire est trop faible, par rapport à l’énergie requise pour faire, donc, s’il y a manque de puissance, alors, le système chute.

    Là aussi, on ne peut parler de la puissance seule, cela ne veut rien dire, elle n’a de sens que dans son rapport au pouvoir. Idem pour le pouvoir, mais avec cette subtilité supplémentaire, que sa relation avec la puissance dépend de sa capacité à produire l’énergie requise pour faire, donc, sa capacité à détenir de la puissance.

    Donc, un pouvoir peut être absolu, mais si sa capacité à produire de l’énergie est faible, sa puissance sera faible.Seule l’autorité qui peut lui être reconnu peut dépasser (parfois de très loin) cette limite.

    C’est simple, il n’y a pas de confusion possible, mais c’est complexe et à priori, trop complexe pour des esprits comme maQiavel qui n’entendent que les choses compliqués, parce qu’ils n’ont pas besoin de les comprendre, étant donnée que personne ne peut les maîtriser, mais avec l’avantage de leur permettre de dire ce qui leur passe par la tête.


    • Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 14 mai 2016 13:23

      @herve_hum
      "La puissance n’est pas la capacité à faire, mais l’énergie requise pour faire, qui découle de la capacité à produire cette énergie."


      Le propos du conférencier se situe dans le registre des interactions sociales. Il ne fait pas un cours de physique. La "puissance" dont il est ici question est donc bien la capacité à faire.

       

      Larouse : Efficacité de quelque chose en rapport avec les moyens disponibles : Puissance d’un syndicat.


    • herve_hum 15 mai 2016 11:56

      @Qaspard Delanuit

      libre à vous de soutenir un cas d’espèce de confusionnisme...

      pour l’illustrer, remarquez comme le conférencier doit donner des exemples à l’appui pour se convaincre lui et l’assistance que le sens du mot puissance est bien celui du dico dans le sujet traité. Et ce, pour la raison que j’en donne.

      bon dimanche


    • Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 15 mai 2016 12:19

      @Zatara
      Le conférencier propose de n’appeler "autorité" que ce qui est perçu du bas, et d’appeler "pouvoir" ce qui nous commande du haut, afin de distribuer à chaque mot un sens distinct. 


    • Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 15 mai 2016 12:44

      @Zatara
      "justement, n’y aurait il pas une forme de "piratage" du mot autorité"


      Exactement, c’est ce que dit le conférencier et que rappelle maQiavel dans son excellente synthèse. Le pouvoir par lui-même ne peut pas se maintenir sans faire croire à sa légitimité. Le pouvoir doit donc faire croire qu’il est "autorité" et donner aux individus gouvernés l’illusion qu’ils reconnaissent au "pouvoir" une "autorité". Ce grand théâtre n’est pas compatible avec "Casse toi pov’con".  smiley


    • Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 15 mai 2016 13:22

      @Zatara
      "J’espère que je suis clair"


      Heuuu... Pas trop non. 


    • Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 15 mai 2016 13:24

      @Zatara
      "pas de quoi fouetté un chat."


      Ni malmener une gram-maire. 

       smiley

    • Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 15 mai 2016 13:57

      @Zatara
      "Je voulais dire que le populisme utilise"


      "Le populisme utilise" est une abstraction. Que voulez-vous dire concrètement ? 


    • Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 15 mai 2016 14:58

      @Zatara

      Une personne à qui est reconnue une autorité (dans le sens où elle définie par le conférencier) n’utilise aucun ressort. Par exemple, dans un régiment, un simple sergent reconnu pour sa valeur au combat et qui par exemple a risqué sa vie pour sauver ses camarades et a su mener a bien des missions très difficiles, peut avoir plus d’autorité qu’un colonel formé à l’école militaire. Son autorité n’a rien à voir avec le populisme. Il ne souhaite même pas avoir de l’autorité : elle lui est accordée par les autres. 


    • maQiavel maQiavel 15 mai 2016 15:50

      Très bonne métaphore que celle de l’armée pour illustrer le propos de Yann Martin dans la conférence.

      Et je rajouterai même qu’un bon colonel aura pour ce sergent la déférence la plus grande et le consultera fréquemment avant de donner ses ordres au regard de la considération de la troupe à son égard, conscient qu’il pourrait ainsi augmenter son pouvoir en se reposant sur l’autorité du sergent et qu’il obtiendra ainsi avec facilité les choses même les plus difficiles.

      Un mauvais colonel (du genre un jeune arrogant imbu de sa personne promu pour ses origines familiales ou un bureaucrate promu, les commandants de ce type sont assez fréquent dans les armées dans l’histoire et à travers le monde) au contraire manquerait d’égards pour ce sergent et finirait par se l’aliéner (peut être parce qu’il verrait son autorité comme faisant ombrage à son pouvoir) , celui là n’obtiendrait de son régiment qu’avec de grandes difficultés les choses même les plus aisées.


    • maQiavel maQiavel 15 mai 2016 17:14

      @Zatara
      Tout le monde me parle du Koh Lanta de cette saison , je crois que je vais me remettre à mater ce jeu. smiley

      La saison est terminée ?

      PS :prière de ne pas "spoiler" comme ont dit ... smiley


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 15 mai 2016 17:41

      @maQiavel
       

      Aïe, vous tombez mal, cette année c’est nul. Les médiocres ont comploté et ils ont évincé tous les forts. Il reste deux émissions mais ça se joue entre nuls. Leur seul talent est la fourberie. Mais sur les poteaux, la fourberie...


    • maQiavel maQiavel 15 mai 2016 18:29

      Gueguen, j’ai dit de ne pas spoiler.  smiley

      Blague à part, c’est un peu comme dans la vraie vie non ? Finalement, si les médiocres arrivent à comploter pour évincer les forts, peut être qu’ils ne sont pas si médiocres que ça et que les forts ne sont pas si fort.

      En politique par exemple, de manière générale ce ne sont pas les plus brillants intellectuellement ou les meilleurs soldats qui conquiert le pouvoir mais ceux qui complotent le mieux pour l’avoir.

      Cette réalité dégoûte les idéalistes mais pourtant c’est la réalité ...


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 15 mai 2016 18:54

      @maQiavel
       
      Oui mais dans Koh-Lanta les cartes sont truquées.

      Exemple : une candidate qui est militaire en section de combat décide de taire volontairement son métier. Au moment du conseil nocturne, Brogniart la force à le dire aux autres. Et hop ! Un quart d’heure plus tard, elle est virée par la sanction du vote. Trop dangereuse. Trop bien embarquée pour choper les 200,000 euros.
      Cela dit vous avez raison, c’est comme dans la vraie vie : le but n’est pas de promouvoir le talent, mais la médiocrité, et tous les moyens sont bons pour ça. Tous.


    • maQiavel maQiavel 15 mai 2016 19:22

      @Éric Guéguen

      Votre commentaire a trop de spoil , je ne peux pas le lire. Mais j’ai lu la fin : « le but n’est pas de promouvoir le talent, mais la médiocrité ».

      Vous savez, intriguer fait partie des talents indispensables à la politique, un homme qui ne sait pas ruser, tromper dissimuler n’est pas fait pour cette activité. Par delà tout les talents qu’il possède s’il n’a pas spécifiquement celui là, c’est lui le médiocre. Il faut savoir jouer. Et je n’exagère même pas, c’est ce jeu millénaire qui dégoute des tas de personnes de l’activité politique et qui en amuse d’autres.


    • maQiavel maQiavel 15 mai 2016 19:31

      @Éric Guéguen

      Tenez, récemment, j’ai lu un article qui expliquait comment De Gaulle a réussit à écarter Henri Giraud qui était soutenu par Roosevelt, c’était tordant, le pauvre général était un homme droit et valeureux mais qui ne pigeait rien au jeu politique, De gaule l’a croqué tout cru, ça faisait vraiment pitié. 

      C’est comme ça ...


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 15 mai 2016 19:38

      @maQiavel
       
      Tout est question de finalité dans notre condition politique, et le superbe livre de Sandel le rappelle très bien. Nous avons congédié le recours aux fins, quelles qu’elles soient (aux plus élevées en particulier), et il est socialement très dur de l’assumer jusqu’au bout. Vous avez des gens qui, en toute sincérité participent à Koh-Lanta pour l’expérience humaine, l’enrichissement, l’intégrité, le fair-play, etc. Toutes choses qui, si elles n’existaient pas, rendraient ce monde invivable. Eh bien les gens qui partent avec ces finalités en tête doivent savoir qu’elles n’ont presque aucune chance dans un tel jeu et qu’elles reviendront déçues par la nature humaine.
       
      "Presque" parce que lors de la saison dernière (là je ne spoile pas, si ?) le mec qui a gagné était le champion toutes catégories, complet au possible, dans une bonne condition physique, charismatique, champion de la débrouille, recordman du feu, s’exprimant bien. Il avait pour le coup une sorte d’autorité qui rendait tous les autres esclaves du moindre de ses gestes. Et tous les matins il faisait même sa petite prière matinale (catho). Bref, malgré tout, il a pulvérisé tous les autres. Mais pourquoi ? Parce qu’il était assez fort physiquement pour être immunisé contre des votes revanchards ou pleins de ressentiment.


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 15 mai 2016 19:40

      @maQiavel
       
      Ça oui, Giraud était naïf et de Gaulle ambitieux. Mais encore une fois, tout dépend des fins que l’on a en tête en usant de tels moyens. Et de Gaulle, une fois au pouvoir, a été d’une grande probité, d’une grande droiture.


    • Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 15 mai 2016 19:55

      @Éric Guéguen
      "Vous avez des gens qui, en toute sincérité participent à Koh-Lanta pour l’expérience humaine, l’enrichissement, l’intégrité, le fair-play, etc."


      Heu, faudrait vraiment être d’une profonde sottise. C’est un jeu dont la finalité est la victoire personnelle, donc l’élimination des autres. 


    • Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 15 mai 2016 19:59

      @Éric Guéguen
      "Bref, malgré tout, il a pulvérisé tous les autres. Mais pourquoi ? Parce qu’il était assez fort physiquement pour être immunisé contre des votes revanchards ou pleins de ressentiment."


      Ou parce que TFI a estimé que c’était un bon produit. 


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 15 mai 2016 20:36

      @Qaspard Delanuit
       
      Il y en a qui ont ce genre de sottises.


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 15 mai 2016 20:40

      @Qaspard Delanuit
       
      Ah Gaspard, j’ai oublié de dire que le champion en question, en bon catho qu’il était, a reversé l’intégralité de ses gains à une œuvre caritative.
      Peut-être que tout était du flan, de A à Z, mais c’est l’unique fois qu’on a eu droit à un tel personnage. Je ne pense pas qu’il fasse des émules, c’est une posture trop exigeante pour la plupart.


    • Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 15 mai 2016 21:20

      @Éric Guéguen
      Il est fort possible que tout ait été scénarisé dès le départ. J’ai un ami qui a travaillé pour la télé réalité, il jouait des rôles de ce genre, tout était inventé, son nom, sa famille, son métier, on lui inventait même des enfants (autres que les siens car il en avait de vrais). Comme on le connaissait bien, ça nous faisait rire de voir ça. Ce sont de petits boulots connus chez les acteurs amateurs. Ce n’était pas dans cette émission, mais bon... quand ce n’est pas complètement bidon, c’est à moitié bidon. Des contrats précis empêchent ensuite les acteurs et figurants de vendre la mèche sous peine d’être totalement ruinés. 


    • Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 15 mai 2016 21:23

      @Éric Guéguen
      "le champion en question, en bon catho qu’il était, a reversé l’intégralité de ses gains à une œuvre caritative."


      Le con ! Il aura sans doute confondu avec Phare Boyaux. 


    • maQiavel maQiavel 15 mai 2016 21:24

      @Éric Guéguen

      Sur la finalité de notre condition politique je n’ai rien à redire mais il faut intégrer que pour la plupart de ceux qui aspirent au pouvoir, la finalité est de jouir de l’exercice de ce pouvoir et ce n’est pas une caractéristique moderne, c’est le cas depuis au moins la révolution néolithique.

      Bien sur c’est plus complexe, celui qui a une finalité individuelle peut aspirer individuellement à la gloire et agir par conséquent pour la collectivité et à l’inverse celui qui avait au départ des finalités communautaires peuvent dévier à cause des circonstances , c’est compliqué …

      C’est pourquoi dans cette incertitude, la collectivité doit pouvoir produire des institutions pour contraindre ceux qui aspirent au pouvoir à aller vers des finalités communautaires. C’est ce qu’ont fait tout nos prédécesseurs, à des époques différentes et sur des continents différents à croire qu’on est les plus cons et les plus naïfs. Si je devais définir le contenu de l’instruction civique, je rendrai la lecture du prince de Machiavel obligatoire histoire de déniaiser un peu.


    • maQiavel maQiavel 15 mai 2016 21:28

      @Éric Guéguen

      -"Presque" parce que lors de la saison dernière (là je ne spoile pas, si ?) le mec qui a gagné était le champion toutes catégories

      Non, là vous ne spoilez pas , je vois de qui vous parlez , Marc qui appelle la tempête pour qu’elle dévaste ses concurrents. smiley 

      C’est vrai qu’en terme de survie  il était très bon , exceptionnel même mais apparemment il a suivit un entrainement de survie, il aurait même payé des anciens du jeu pour quelques tuyaux , ce que ses concurrents ne pouvaient pas se permettre. Grace à cela il a pu acquérir un capital culturel « survie » (comme dirait Bourdieu ).Il a renoncé à sa somme mais il avait les moyens de se le permettre. Et aussi, ce n’est pas seulement grâce à ses compétences qu’il a pu rester en place, c’est aussi parce qu’il avait de bonnes alliances (c’est ce qu’il y’a de plus important dans ce jeu, il faut réussir à s’intégrer dans une alliance solide et durable).

      Ce n’est pas du tout pour le dénigrer mais pour faire une analogie à notre condition politique : cela peut paraitre idiot d’associer une vulgaire téléréalité à la très complexe réalité sociale mais comme vous l’écriviez dans votre article Gueguen, si ce koh-Lanta est un objet de contemplation politique , c’est parce que cette émission reflète notre condition politique ( et pas que contemporaine ).

      Pour rebondir sur l’article si le fort ne peut pas être éternellement le plus fort , c’est parce que les plus faibles que lui peuvent s’associer pour devenir plus fort lui. C’est un phénomène qui existe aussi ailleurs dans le monde animal, il est courant devoir un vieux lion régnant en patriarche sur un clan se faire renverser par une coalition de jeunes lions.

      La capacité à élaborer des systèmes d’alliance est aussi indispensable à celui qui aspire à obtenir et à se maintenir au pouvoir.


    • maQiavel maQiavel 15 mai 2016 21:43

      @Zatara
      Tout ça , c’est de ta faute. smiley


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 15 mai 2016 22:45

      @Qaspard Delanuit
       
      Je vous crois sur parole. En tout cas Han Solo existe, celui-là vous ne me le prendrez pas.


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 15 mai 2016 23:34

      @maQiavel
       
      Jadis le pouvoir se passait de consentement. Aujourd’hui il l’instrumentalise. Est-on voué à naviguer d’un écueil à l’autre ?


    • Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 16 mai 2016 02:17

      @Éric Guéguen
      "Jadis le pouvoir se passait de consentement." 

       

      L’ingénierie sociale existe depuis très longtemps (ou depuis toujours). C’est le rôle éternel de l’art officiel (représenter Pharaon comme un dieu). 


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 16 mai 2016 08:33

      @Qaspard Delanuit
       
      Ah non, je sais que Mach’ a plussé votre commentaire, mais je ne suis pas tout à fait d’accord. Je vois une énorme différence entre des élites qui cherchent à se légitimer par une entité supérieure, mystique ou paranormale, et des élites qui, avec une condescendance certaine, laissent accroire aux masses qu’elles leur sont soumises. Dans les deux cas les gens finissent par y croire, mais on convainc beaucoup plus facilement de se remuer celui qui se sait opprimé que celui qui aime être flatté.


    • maQiavel maQiavel 16 mai 2016 09:36

      @Éric Guéguen

      Je n’avais pas encore plussé Qaspard mais ça n’a pas tardé évidemment.

      Le fond de la politique est la meme depuis la révolution néolithique,  la gestion de cités contenant plusieurs milliers voir millions d’humains produit à peu près les mêmes mécanismes.

      Personne ne peut gouverner sans le consentement de ceux qu’il gouverne, Yann Martin décrit bien les processus de légitimation dans la conférence. Ce processus est toujours le même dans le fond.

      Mais il varie dans la forme :

      -Pisistrate va costumer une femme en Athéna et la mettre sur son char pour éblouir les Athéniens, ce qui fonctionnera puisque les habitants, prosternés, les reçurent avec une pieuse admiration.

      -Aujourd’hui, ce genre de stratagème fonctionne moins ( et encore , il existe encore des pays ou les prétendants au pouvoirs se disent missionné par Dieu ),donc la forme de légitimation est différente , on essaie de faire croire que l’on gouverne au nom du peuple.

      Mais dans le fond, quelle différence entre prétendre gouverner au nom du peuple ou au nom de dieux ? Aucune c’est le prétexte qui change.

      -mais on convainc beaucoup plus facilement de se remuer celui qui se sait opprimé que celui qui aime être flatté.

      Mais celui à qui on fait croire que c’est Dieu qui a voulu que son prince soit au pouvoir ne se sait pas opprimé puisque Dieu est bon et qu’il ne peut souhaiter son malheur. Et si ce malheur arrive , ce n’est pas de la faute du prince , c’est une punition divine à cause des péchés.

      La religion a été le premier outil d’ingénierie sociale ( cela ne signifie pas qu’elle ne peut être que cela ).


    • maQiavel maQiavel 16 mai 2016 09:53

      L’ingénierie sociale existe depuis très longtemps (ou depuis toujours). C’est le rôle éternel de l’art officiel (représenter Pharaon comme un dieu). 

      Gustave Le Bon dans « la psychologie des foules » explique que l’instrument essentiel du conditionnement social, c’est l’image. Ainsi, le christianisme n’a pas modelé la foule grâce à la subtilité de la philosophie augustinienne et sa supériorité supposée sur la philosophie néoplatonicienne, mais parce que quelques images fortes en ont émergé qui parlaient aux masses.

      Il explique que tout l’art de conduire la foule est de glisser le contenu-message dans le contenant-image, sans altérer l’image que la foule adore, et donc si possible en faisant du contenant le contenu.

      Ceux qui ont crée le marketing n’ont rien inventé , ils n’ont fait que moderniser de très anciennes méthodes ingénierie ...


    • maQiavel maQiavel 16 mai 2016 09:54

       ... ils n’ont fait que moderniser de très anciennes méthodes d’ ingénierie sociale.


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 16 mai 2016 10:55

      @maQiavel
       
      Mach’, il ne vous aura pas échappé non plus que Le Bon a écrit son fameux bouquin à la fin du XIXe siècle, qu’il est influencé par ce qu’il constate, par les changements de l’époque, idem pour Lippmann, ou Bernays, ou Schumpeter. Tous ces gens ont appréhendé le grand tournant, l’avènement de la société de masse, de consommation de masse, une ère inédite dans l’histoire de l’humanité, que l’on peut certes expliquer en regardant en arrière, mais qui a ses spécificités.
       
      Or je maintiens pour ma part que l’on ne combat pas l’ordre établi actuel comme on devait combattre l’ordre ancien. Si les fins semblent les mêmes - la domination du nombre, la transhumance sur des sentiers balisés - le fait de s’adresser à des moutons consentant à suivre religieusement les sentiers battus sans intervention du pasteur d’autrefois me semble tout à fait remarquable. Et si on ne le comprend pas, si on n’aide pas les gens à le comprendre malgré eux, on ne parviendra à rien et on donnera raison à Medialter : tout ne sera que palabres sans consistance.


    • maQiavel maQiavel 16 mai 2016 11:54

      @Éric Guéguen

      Je suis d’accord pour dire qu’il y’a des changements au niveau de la forme ( il y’en a toujours eu ) qui fait que notre époque a ses propres spécificités mais je ne vois pas différence de fond au niveau des structures sociales.

      Mais je pense que nos diagnostics différents sont liés au fait que j’accorde moins d’importance à l’histoire des idées que vous (ce qui ne veut pas dire que je n’accorde aucune importance à l’histoire des idées, c’est pour moi une composante à prendre en compte qui s’intègre dans un tout mais qui ne détermine pas tout).

      Autre chose : je ne pense pas que la politique puisse être autre chose que ce qu’elle a toujours été dans sa pratique c’est à dire la gestion des rapports de domination (ceci étant, l’articulation que fait Yann Martin entre autorité et pouvoir va m’amener à modérer mon propos dès que j’aurais trouvé la formulation adéquate en introduisant la notion de subordination).Donc là-dessus je ne suis pas fondamentalement en désaccord avec médialter ( je me rappelle même que vous aviez qualifié médialter de MaQiavel désabusé qui a tiré l’extrême conséquence de sa vision de la politique).

      La différence entre moi et médialter est que lui est un idéaliste écœuré qui en est devenu profondément aigri alors que moi je ne l’ai jamais été, très tôt, j’ai vite accepté le monde tel qu’il se présentait à moi (avec tout ce qu’il a de bon et de mauvais ) et j’ai compris que si le monde idéal ne pouvait pas advenir , le monde concret lui était perfectible mais pour l’améliorer (ou le rendre moins mauvais , c’est selon ) , il fallait partir d’ici et maintenant et non d’ailleurs.

      Après, c’est une question de perspective : pour moi ces améliorations méritent que l’on se batte pour elles alors que pour un médialter, ce ne sont palabres sans consistance car il a encore à l’esprit le monde pur et parfait de son idéal perdu : c’est un peu comme un coureur de 100 m, gagner un dixième de seconde, pour lui, c’est énorme et il aura bossé énormément pour en arriver là. Mais que vaut ce dixième de seconde pour celui qui a pour idéal de courir aussi vite que le guépard ? Rien !


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 16 mai 2016 12:09

      @maQiavel
       
      Mais pourquoi, vous, Mach’, voulez-vous vous battre pour changer des choses dont vous êtes convaincu de l’éternité et de l’immuabilité ? Pour de simples soucis de... "forme" ?


    • maQiavel maQiavel 16 mai 2016 12:24

      @Éric Guéguen
      Si la politique est dans sa pratique la gestion des rapports de domination comme je le conçois, je n’essaie pas de la changer pour qu’elle soit autre chose, ça n’a aucun intérêt, c’est impossible dans nos sociétés contenant des million d’individus... 

      Par contre, certaine servitudes peuvent être perçue comme plus intense et dangereuse que d’autres et ça ce n’est pas qu’une question de forme. 

      Pourquoi se battre ? Pour des soucis d’intensité de cette servitude. La moins mauvaise pratique de la politique serait celle où la servitude serait la moins intense et par conséquent la moins dangereuse... 


    • maQiavel maQiavel 16 mai 2016 12:32

      @Zatara
      Je suis d’accord avec tout ce que tu dis mais selon moi avec tes exemple, on en reste à la forme. 

      Le fond du fond, c’est la volonté de puissance et la gestion des rapports de domination, c’est ce qui structure nos sociétés humaines depuis au moins la révolution néolithique. Et de cette perspective, il n’y a pas de différence de fond dans nos structure sociales depuis des millénaires. 


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 16 mai 2016 12:32

      @maQiavel
       
      Mouais... Dans ce cas vous avez un sacré mérite de déployer tant d’énergie pour si peu.
       
      Bon, vous savez également qu’en ce qui me concerne, je ne limite pas la politique aux seuls rapports de force. La politique, c’est la nature humaine, l’"insociable sociabilité" ET la prise de conscience de l’interdépendance.
      L’amitié, c’est aussi de la politique, en tant que modalité des rapports humains spontanés, donc naturels...


    • maQiavel maQiavel 16 mai 2016 12:34

      Veuillez ne pas prêter attention à mes phautes dortogrraffes... 


    • herve_hum 16 mai 2016 12:37

      @Éric Guéguen

      Or je maintiens pour ma part que l’on ne combat pas l’ordre établi actuel comme on devait combattre l’ordre ancien. Si les fins semblent les mêmes - la domination du nombre, la transhumance sur des sentiers balisés - le fait de s’adresser à des moutons consentant à suivre religieusement les sentiers battus sans intervention du pasteur d’autrefois me semble tout à fait remarquable. Et si on ne le comprend pas, si on n’aide pas les gens à le comprendre malgré eux, on ne parviendra à rien et on donnera raison à Medialter : tout ne sera que palabres sans consistance.

      C’est exact, et c’est là tout le coeur de mon propos avec le principe de la responsabilité, parce qu’il montre que le basculement de l’ordre ancien vers l’ordre actuel à inversé le sens, la balance du déséquilibre de la relation entre droits et devoirs, mais a soigneusement, jalousement, conservé son principe et ce, pour la raison que vous donnez, à savoir, faire en sorte que le droit reste une force centrifuge où le devoir gravite.

      Cela, parce que la domination du nombre n’a d’autre intérêt que son exploitation à son profit personnel, cela, parce que la richesse ne se compte pas en valeur matérielle, mais en valeur humaine, soit, dans sa capacité à faire que le nombre dédie tout ou partie de son temps de vie à celui qui capitalise le droit. Ce dernier étant aujourd’hui totalement concentré dans la monnaie et qui explique la financiarisation de l’économie.

      Car si on peut capitaliser l’espace, le temps de vie est lui limité et ne peut se capitaliser qu’en prenant possession du temps de vie d’autrui. Platon l’explique d’ailleurs très bien il me semble !

      Ce que les gens ne voient pas parce qu’on leur fait croire le contraire, c’est que la propriété économique, donc, la richesse matérielle est le moyen qui permet de se rendre maître du temps de vie d’autrui, cette dernière étant le but.


    • maQiavel maQiavel 16 mai 2016 12:42

      @Éric Guéguen
      Dans ce cas vous avez un sacré mérite de déployer tant d’énergie pour si peu.

      Voyez, c’est ce que dit medialter. Pourtant, c’est pour ce "peu" que les humains se battent quitte à en mourir. 

      Quant à ce "peu" il peut être un "beaucoup" selon la perspective (c’est la mienne), on en revient donc à ma métaphore du coureur de 100 mètre et de celui qui a pour idéal de courir aussi rapidement que le guépard. 

      Pour moi, avoir des institutions qui se rapprocheraient de celles que j’imagine, ce ne serait même pas beaucoup, ce serait énorme !!!


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 16 mai 2016 13:23

      @maQiavel
       
      Les institutions, c’est une chose. Mais il faut aussi des modèles, des semblables auxquels s’identifier. Ça a toujours été le cas et ça le sera toujours. Pourquoi ? Parce que l’homme a besoin de se faire une idée du bon, du bien, du juste, du beau avant d’éventuellement les poursuivre. Une "idée" en vue d’une "fin".


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 16 mai 2016 13:25

      @maQiavel
       
      "Politique" vient de polis, non de polemos.


    • maQiavel maQiavel 16 mai 2016 13:29

      @Gueguen

      -vous savez également qu’en ce qui me concerne, je ne limite pas la politique aux seuls rapports de force. La politique, c’est la nature humaine, l’"insociable sociabilité" ET la prise de conscience de l’interdépendance.L’amitié, c’est aussi de la politique, en tant que modalité des rapports humains spontanés, donc naturels...

      ------> Oui mais il y’a aussi la question de la dynamique démographique qui intervient.

      La sociabilité n’est pas la même selon qu’on soit dans un petit groupe de quelques dizaines de membres (comme les communautés primitives) ou dans un groupe de dizaines de milliers voir de millions de membres (comme les sociétés qui émergent de la révolution démographique du néolithique)

       

      Les différences quantitatives ont un impact sur la qualité de la sociabilité d’ailleurs on n’a pas besoin d’aller très loin pour le constater, il suffit de comparer la vie dans les grands ensembles urbains et celle dans les villages.

       

      A partir d’un certain nombre d’individu les interactions sociales changent et la politique aussi change. Je ne veux pas dire que l’amitié n’existe pas dans les grands ensembles démographiques mais la pratique politique dans ceux-ci n’est pas la même et la notion d’interdépendance a aussi tendance à être moins prégnante que dans les petites communautés ou c’est une évidence (cfr Ibn Khaldoun).

       


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 16 mai 2016 13:32

      @maQiavel
       
      "A partir d’un certain nombre d’individu les interactions sociales changent et la politique aussi change."
      => Ça n’est pas la politique qui change avec l’échelle, c’est le régime politique.
      Est-ce que la démographie galopante issue de la révolution néolithique mettra jamais un terme à l’amitié ?


    • maQiavel maQiavel 16 mai 2016 13:36

      @Zatara

      -cela vient directement de la peur de manquer de satisfaire à nos besoins primaires, transformé, marketé, raréfié, adoré, et désiré au plus haut point. De là découle le vrai pouvoir depuis des millénaires, tout est basé sur l’instinct de survie. Autant il était justifié dans le passé, autant il est fantasmé dans le mode de vie occidentale. J’espère que je suis clair

       

      ------> Tu es clair mais je ne suis pas d’accord avec toi sur le fait que cela était justifié dans le passé, le vrai problème ne vient pas de la raréfaction des ressources mais de la volonté de puissance.

       

      C ’est ce que je tente d’expliquer dans cet article « concernant l’individualisme ».


    • maQiavel maQiavel 16 mai 2016 13:39

      @Éric Guéguen

      -Est-ce que la démographie galopante issue de la révolution néolithique mettra jamais un terme à l’amitié ?

      ------> Non par contre, elle substitue l’amitié dans la pratique politique par les intérêts. Et là, il n’y a pas de retour en arrière possible.


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 16 mai 2016 14:02

      @maQiavel
       
      Ça va vous intéresser :
      http://www.franceculture.fr/emissions/series/marx-attaque


    • maQiavel maQiavel 16 mai 2016 14:06

      @Éric Guéguen
      Merci pour le lien.


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 16 mai 2016 14:12

      @maQiavel
       
      En fin de compte, la pré-modernité a transformé la philosophie politique en science politique en réduisant la condition politique à la lutte politique. Et c’est sur ce terreau qu’a fleuri le libéralisme dont l’objet est, purement et simplement, de se passer de politique.
      Donc dans un premier temps on enferme la politique dans les rapports de force, ensuite en laisse entendre que les rapports de force, c’est caca, et que le Marché permettra de dissoudre ces rapports de force à coups de main invisible.
       
      Vous, Mach’, vous remontez d’un cran. Moi de deux.  smiley


    • Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 16 mai 2016 14:13

      @maQiavel
      "Ceux qui ont crée le marketing n’ont rien inventé , ils n’ont fait que moderniser de très anciennes méthodes ingénierie ..."


      En effet, la reproductibilité des images (affiche, journal) et des sons (radio) ou des deux (cinéma, télévision) est un facteur qui surpuissante la propagande et lui permet d’atteindre une efficacité industrielle au début du XXe siècle. Mais le principe était déjà à l’oeuvre depuis plusieurs millénaires. Le consentement de la population est obtenu par le symbole. C’est une chose que les chefs totalitaires ont très bien comprise : si l’on veut une emprise puissante sur les masses, il faut des symboles très forts. C’est d’ailleurs aussi de cette manière que les marchands de chemises et de chaussures s’enrichissent le plus : en collant des symboles sur leurs produits. Pas de marque (société commerciale) sans ... marque (branding). 

      http://www.someweb.fr/468-limportance-du-branding-pour-une-entreprise/


      Nous commettons parfois l’erreur de croire que ce sont les politiques qui ont imité les commerçants, mais c’est l’inverse qui est vrai. Le marketing est une extension récente au domaine commercial des méthodes qui sont à l’oeuvre dans la propagande politique depuis qu’il y a des cités. 


    • Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 16 mai 2016 14:28

      On peut même se demander si notre époque à quoi que ce soit d’exceptionnel... Probablement pas. L’accélération technologique met seulement certains principes en relief. 


    • Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 16 mai 2016 14:44

      @Éric Guéguen
      "Et c’est sur ce terreau qu’a fleuri le libéralisme dont l’objet est, purement et simplement, de se passer de politique."


      Je ne pense pas que le partisan du libéralisme veut, purement et simplement, se passer de politique. D’abord, le libéralisme est une doctrine politique, donc cela n’aurait pas de sens. Ensuite le libéralisme est une famille nombreuse dont les enfants ne sont pas tous jumeaux. Certains veulent se passer d’Etat, d’autres insistent seulement sur le fait que la liberté individuelle ne doit pas être subordonnée à l’Etat, parce qu’elle est la véritable source de tout progrès social ; ou bien parce que, par principe, l’individu disposerait de droits naturels (comme celui d’être propriétaire de son corps). 


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 16 mai 2016 14:56

      @Qaspard Delanuit
       
      Le libéralisme désire en faire une simple béquille de réajustement, rien de plus. Les délires de fin de l’histoire se sont appuyés sur l’idée de fin de la politique. Les deux étaient synonymes. Bien sûr, au sein du libéralisme, certains sont partisans d’un État minimal, d’autres d’un État redistributeur, tous néanmoins voient dans la condition politique un état choisi et un mal nécessaire... en attendant que l’on trouve mieux. Il me semble que le marché a nourri le fantasme d’un dépassement de la politique. Beaucoup en sont aujourd’hui revenus !
       
      Quant au régime représentatif, je maintiens ce que je disais dans mes vidéos : la finalité étant que de simples gestionnaires s’assurent que la machine tourne en roue libre, et que chacun des engrenages se limite pour ce faire à n’être que des... producteurs-consommateurs. La carotte plutôt que le fouet.


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 16 mai 2016 14:57

      @Éric Guéguen
       
      ... j’ai oublié de dire que je ne réduis pas non plus la politique à l’existence de l’État. Ce qui placerait l’Athènes classique en dehors de la politique. Un comble !


    • Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 16 mai 2016 14:58

      J’ajouterai que mon intime conviction est que, dans la plupart des cas, c’est notre caractère et non notre réflexion qui nous porte à être partisan d’une doctrine ou d’une autre. La réflexion vient ensuite pour prétendument justifier l’opinion politique qui est en réalité inspirée par le caractère.


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 16 mai 2016 15:02

      @Qaspard Delanuit
       
      Selon votre "intime conviction", je le conçois.
      Mais je ne vois pas comment vous pourriez prouver une chose pareille. smiley


    • Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 16 mai 2016 15:17

      @Éric Guéguen

      "Bien sûr, au sein du libéralisme, certains sont partisans d’un État minimal, d’autres d’un État redistributeur, tous néanmoins voient dans la condition politique un état choisi et un mal nécessaire... en attendant que l’on trouve mieux."

       

      Je ne constate pas (en les lisant ou en parlant avec eux) que tous les libéraux voient dans "la condition politique" un mal nécessaire. Mais peut-être que je comprends mal ce que vous entendez par là. La condition politique est pour moi la condition humaine, le fait de vivre en société et de discuter ensemble des règles de la communauté. Est-ce que tous les libéraux nient cela ?


    • Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 16 mai 2016 15:18

      Ou bien voulez-vous dire que les libéraux nient que certaines choses puissent ne pas être contractuelles entre les hommes ?


    • Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 16 mai 2016 15:21

      @Éric Guéguen
      "Selon votre "intime conviction", je le conçois.
      Mais je ne vois pas comment vous pourriez prouver une chose pareille."


      C’est bien pourquoi je parle d’une intime conviction. smiley

      Je ne vois d’ailleurs pas comment on pourrait prouver quoi que ce soit en politique. Si c’était possible, les débats seraient clos et le jugement rendu depuis longtemps. 


    • Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 16 mai 2016 15:28

      @Éric Guéguen
      "Quant au régime représentatif, je maintiens ce que je disais dans mes vidéos : la finalité étant que de simples gestionnaires s’assurent que la machine tourne en roue libre, et que chacun des engrenages se limite pour ce faire à n’être que des... producteurs-consommateurs. La carotte plutôt que le fouet."


      Je constate le même résultat que vous mais je ne le qualifierais pas de finalité. Je pense que la situation résulte de nombreuses influences pernicieuses combinées et non d’un plan machiavélique orchestré par des "libéraux". 


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 16 mai 2016 15:44

      @Qaspard Delanuit
       
      "Ou bien voulez-vous dire que les libéraux nient que certaines choses puissent ne pas être contractuelles entre les hommes ?"
       

      C’est plutôt sous cet angle, en effet, que se place ma remarque. La condition politique est de l’ordre du déterminisme. Le libéralisme, par essence, est un mouvement de pensée qui ne reconnaît rien de ce qui n’est pas librement consenti. Ce qui laisse d’ailleurs présager de son étendue aujourd’hui...
       
      J’ai eu un gros accrochage avec les lecteurs de Causeur récemment, sous mon récent article sur la République. Tous se prétendaient libéraux, la plupart s’en remettaient à la DDH et au fameux précepte "la liberté des uns...". À la fin je leur ai demandé de me situer la naissance du libéralisme et ça n’était pas clair. Alors je leur ai demandé de m’indiquer quels auteurs étaient pour eux emblématiques de ce mouvement, et à part Locke et Milton Friedman, que dalle. Ceci apporte de l’eau à votre moulin : il semblerait en effet que j’aie eu affaire à des gens dont le caractère et l’absence de réflexion trouvaient leur pitance dans l’image qu’ils se font du libéralisme.


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 16 mai 2016 15:48

      @Qaspard Delanuit
       
      Pas de "plan machiavélique" non, ça n’est pas ma façon de voir les choses non plus. Mais une utopie libérale qui fait tout pour coller au réel. Et qui est en fin de course.


    • Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 16 mai 2016 15:56

      @Éric Guéguen
      "Alors je leur ai demandé de m’indiquer quels auteurs étaient pour eux emblématiques de ce mouvement"

       

      Ce n’est pas un auteur mais un héros luttant contre la tyrannie et les écrasantes charges fiscales !  smiley

      Vous n’êtes quand même pas du côté de l’infâme Jean sans Terre ?? Quant au texte fondateur du libéralisme, le voici


    • Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 16 mai 2016 16:07

      @Éric Guéguen
      "Le libéralisme, par essence, est un mouvement de pensée qui ne reconnaît rien de ce qui n’est pas librement consenti."


      Vous voulez dire plus exactement par "qui ne reconnaît rien". Voulez-vous dire qu’il le nie ou bien qu’il propose de se battre contre cela ? Et ce "rien" concerne-t-il seulement ce qui vient de la société ou bien aussi de la nature (le fait d’être mortel, d’être homme ou femme, etc.) ?


    • Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 16 mai 2016 16:08

      pardon : QUE voulez vous-dire... 


    • herve_hum 16 mai 2016 16:19

      @Éric Guéguen

      Le cadre naturel, par définition se réfère à la nature, donc à ce qu’on y observe, et qu’y voit t-on sinon les relations entres les diverses espèces animales ?

      Si maintenant, on limite cette définition au cadre naturel humain, qu’y voit t-on ?

      Les mêmes différents groupes d’espèces opposés et/ou unis, c’est à dire, le prédateur, le brouteur, le charognard et enfin, le parasite.

      On y voit aussi, les mêmes stratégies et autres caractères sociaux, mais reproduit à la seule espèce humaine. Sauf pour ceux qui ont une empathie pour les autres espèces. Celle ci créant un lien social que l’on reliera à l’autorité, dans le sens où c’est par l’adhésion que l’on cherche l’obéissance de l’animal, et à la force, dans le sens de la domination.

      Il faut, ici, entrer dans la complexité pour comprendre la subtilité du jeu qui se noue.

      En effet, l’autorité est, tout comme la force, un sens hiérarchique du haut vers le bas, tant qu’elle est personnelle, voir collégiale, mais pas commune, c’est à dire, où le sens est de l’universel, ou communautaire au sens de la globalité des individus concernés, vers l’individu(alité).

      Ceci, parce que c’est la communauté qui représente, incarne le bas !

      cela signifie, que l’autorité du bas vers le haut se fait de la communauté vers l’individu. Ce n’est donc pas l’autorité en tant que telle, qui énonce simplement le fait que l’ordre hiérarchique se fait par l’adhésion et non par la contrainte.

      Donc, où ce sont les règles communes qui s’imposent à l’individu, puisque la condition que ce soit une autorité et non la force qui soit concernée, c’est qu’il faut qu’il y ait adhésion préalable, ou conséquente de l’individu.

      On peut résumer la double relation ainsi :

      de haut en bas, autorité et force personnelle ou collégiale s’exerçant sur la communauté

      de bas en haut, autorité et force communautaire ou universelle s’exerçant sur l’individu ou groupes d’individus.

      Donc, Qaspard Delanuit, je trouve encore des arguments, que j’aimerai bien vous voir critiquer sur le fond !


    • maQiavel maQiavel 16 mai 2016 16:39

      @Éric Guéguen

       

      En fin de compte, la pré-modernité a transformé la philosophie politique en science politique en réduisant la condition politique à la lutte politique. Et c’est sur ce terreau qu’a fleuri le libéralisme dont l’objet est, purement et simplement, de se passer de politique.
      Donc dans un premier temps on enferme la politique dans les rapports de force, ensuite en laisse entendre que les rapports de force, c’est caca, et que le Marché permettra de dissoudre ces rapports de force à coups de main invisible.Vous, Mach’, vous remontez d’un cran. Moi de deux. 

      ------> Je comprends ce que vous dites, ce ne serait pas faux si a réalité sociale était la simple manifestation de la sphère idéelle et si son évolution dépendait exclusivement de celle de l’histoire des idées. Seulement la réalité sociale ne se limite pas à ça.

      Un exemple, lorsque vous parlez de « condition politique », comment cette condition se manifeste –t-elle concrètement ? Je ne demande pas ce qu’en pense tel ou tel philosophe mais de que vous constatez vous-même de cette condition politique telle qu’elle se présente à vous ? Est –elle vraiment différente de celle de la Grèce antique ?

      Moi quand je lis un Thucydide qui raconte la société Grecque telle qu’elle se présentait à lui et quand je compare avec la société moderne telle qu’elle se présente à moi, je constate d’évidentes différences de forme mais très peu de différence de fond.

      Je constate qu’en effet la conflictualité politique est déterminante dans notre condition politique, aujourd’hui comme hier chez les Grecs, au delà de tout ce que les philosophes de cette époque ou de notre époque peuvent raconter, fantasmer ou espérer. Ce n’est pas moi qui le souhaite, je n’enferme pas la politique dans les rapports de force comme si c’était ma volonté, je fais un constat.

      Si de ce constat, certains estiment qu’il faut dépasser la politique comme si cela permettrait de dépasser la conflictualité, je leur souhaite bonne chance s’ils sont sincères, moi je constate aussi que ce qu’ils appellent marché est lui-même un outil politique et que cet outil ne réduit pas la conflictualité, il ne fait que changer la forme des rapports de domination, je doute donc de leur sincérité , je pense que ceux là sont des jouets entre les mains de personnes ayant les moyens de satisfaire leur volonté de puissance.


    • Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 16 mai 2016 16:43

      @herve_hum
      "Donc, Qaspard Delanuit, je trouve encore des arguments, que j’aimerai bien vous voir critiquer sur le fond !" 

      Des arguments en faveur de quelle thèse ? Je ne vois pas ce que vous voulez dire sur le fond. Le mot "autorité", vous pouvez le définir comme vous voulez, c’est juste de la sémantique. Et ensuite ?


    • maQiavel maQiavel 16 mai 2016 17:15

      @Qaspard

      -Nous commettons parfois l’erreur de croire que ce sont les politiques qui ont imité les commerçants, mais c’est l’inverse qui est vrai. Le marketing est une extension récente au domaine commercial des méthodes qui sont à l’oeuvre dans la propagande politique depuis qu’il y a des cités

      ------> Exactement, je ne l’aurais pas mieux dit. Rien de nouveau sous le soleil.

      @Gueguen

       

      -... j’ai oublié de dire que je ne réduis pas non plus la politique à l’existence de l’État. Ce qui placerait l’Athènes classique en dehors de la politique. Un comble !

      ------> Il y’a bien évidemment des questions sémantiques à éclaircir dans ce genre de discussion.

      Pour moi, le terme « Etat » a un sens organisationnel, c’est un système d’organisation territorial dans lequel une administration gouvernementale a la capacité de se faire obéir et dispose du monopole de la violence sur la collectivité vivant sur ce territoire et qui est en relation avec d’autres Etats par voie diplomatique (en temps de paix) et /ou militaire ( en temps de guerre).

      De là Athènes comme toutes les autres cités Grecques était bien évidemment un Etat. Par contre, les bandes de chasseurs-cueilleurs nomades du fait de leur taille réduite ne dépassant guère plus d’une centaine d’individus et de leur mobilité, n’éprouveraient nul besoin d’instituer des autorités administratives permanentes, c’étaient des communautés sans Etat.

      Le terme « politique » est lui plus problématique. Mais pour éviter les malentendus, je ne vais plus l’utiliser dans cette discussion, je parlerai plutôt de « pratique du pouvoir au sein d’une collectivité ».


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 16 mai 2016 17:24

      @maQiavel
       
      "...lorsque vous parlez de « condition politique », comment cette condition se manifeste –t-elle concrètement ? Je ne demande pas ce qu’en pense tel ou tel philosophe mais de que vous constatez vous-même de cette condition politique telle qu’elle se présente à vous ? Est –elle vraiment différente de celle de la Grèce antique ?"
       

      => C’est très simple. La condition politique se manifeste dans le fait que chaque être humain autour du globe éprouve un besoin irrépressible de côtoyer, de dialoguer et de commercer avec ses semblables. C’est la manifestation d’un déterminisme. Qu’on le veuille ou non, nous sommes des êtres politiques, des êtres de familles, de tribus, de villages, de villes, de régions, de nations. Nous ne sommes rien sans tout ça ; à nous de les organiser au mieux. C’est-à-dire au plus juste. Et la justice est donc la vertu politique par excellence, ce en vue d’un ordre mieux établi.
       
      Et je suis tout à fait d’accord pour dire qu’il en a toujours été ainsi et qu’il en sera toujours ainsi. C’est notre modernité, une fois de plus, qui prétend être en rupture avec tout ceci. Elle l’est dans la mesure où elle fonde les liens sociaux sur la prévalence de l’individu. Mais elle se raconte des histoires car c’est une logique tout à fait bancale.


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 16 mai 2016 17:40

      @Qaspard Delanuit
       
      J’ai dit :
      "Le libéralisme, par essence, est un mouvement de pensée qui ne reconnaît rien de ce qui n’est pas librement consenti."
       
      Dit sous une autre forme : plutôt que de complot, je parlerais d’un changement de paradigme qui, celui-ci, me paraît avoir été bel et bien voulu... pas au nom du mal, au d’un bien sincère (mais une fois de plus bancal avec le recul qui est le nôtre). L’Occident est passé d’un monde régi autoritairement d’en haut par le Trône et l’Autel à un monde spontanément nivelé par les bienfaits du marché. On est passé de la bigoterie comme vice à l’égoïsme comme vertu, et j’irais même jusqu’à penser que l’élan vers la société liquide a été initié à ce moment-là. L’humanité 2.0 qui est en préparation et qui consiste bel et bien à anéantir tout déterminisme naturel (plus de sexe, la perspective d’une vie éternelle, etc.) n’aurait jamais pu intervenir ni avant, ni ailleurs.
       
      Le libéralisme ne se conçoit pas, à mes yeux, sans la concomitance de la montée en puissance de la bourgeoisie et la haine du christianisme.
       
      PS : l’exemple de l’habeas corpus est intéressant, mais c’était un combat pour davantage de mouvement à l’intérieur d’un cadre, et non la manifestation d’une volonté d’abattre le cadre. Mais peut-être peut-on y trouver l’une des racines du libéralisme en germe, tout à fait d’accord.


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 16 mai 2016 17:42

      Erratum : remplacer habeas corpus par Magna Carta, of course !


    • herve_hum 16 mai 2016 17:43

      @Qaspard Delanuit,

      La thèse selon laquelle l’autorité s’exerce de bas en haut au contraire de la force qui s’exerce de haut vers le bas.

      Mais sinon, l’article sous lequel nous débattons, porte explicitement sur l’autorité. C’est écrit en titre. Donc, il s’agit bien de débattre sur la définition du mot autorité. C’est effectivement de la sémantique, mais pour philosopher, c’est central.

      et on retombe alors sur la définition du mot puissance, où plus haut, vous avez rejeté mes arguments sous prétexte que je lui donnait une définition qui ne correspondait pas à celle du dico. Le hic, c’est que le dico met deux définitions en concurrence, au lieu de les mettre en évidence de suite logique, de telle sorte qu’il suffit d’aller de l’une à l’autre, puis si c’est pas suffisant, d’en chercher une "exotique".

      Avec cela, comment voulez vous débattre ?

      Moi je soutiens une définition du mot puissance, celui retenu par les mathématiques et la science physique, remarquant que dans le langage courant, c’est aussi la définition retenu pour parler de la différence de niveau de force entre les états et même les individus. Que la capacité de faire est comprise comme le pouvoir de faire, un néoplasme d’affirmation disant, seul le pouvoir peut faire, parce que la détention du pouvoir est la condition de la capacité de produire une énergie pour agir, et que la puissance détermine le niveau cette force.

      Aussi, je vous dis qu’en conservant des définitions concurentes, il est facile de semer ou rester dans la confusion et que cette dernière est l’outil sémantique de base du sophisme.

      Si cela peut vous rassurer, j’ai commis un superbe sophisme (involontaire, mais sophisme quand même par définition) pas plus tard qu’avant hier au dépend d’un ami. Auquel je devrai présenter mes plus plates excuses.


    • Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 16 mai 2016 17:56

      @Éric Guéguen

      J’ai du mal à trouver la congruence entre deux séquences de votre raisonnement : 

       

      1. "Et c’est sur ce terreau qu’a fleuri le libéralisme dont l’objet est, purement et simplement, de se passer de politique."

       

      2. "C’est très simple. La condition politique se manifeste dans le fait que chaque être humain autour du globe éprouve un besoin irrépressible de côtoyer, de dialoguer et de commercer avec ses semblables."

       

      Vous voulez dire que les libéraux n’aiment pas côtoyer, dialoguer et commercer avec leurs semblables ?

       

      Ensuite, il y a aussi ceci qui me pose question :

       

      "C’est notre modernité, une fois de plus, qui prétend être en rupture avec tout ceci. Elle l’est dans la mesure où elle fonde les liens sociaux sur la prévalence de l’individu."


      Or, il n’y a jamais eu autant de mise en avant du dialogue social dans toutes les organisations commerciales, culturelles, médicales, associatives, gouvernementales, etc. La plupart des cadres passent la majeure partie de leur temps en réunion. à côtoyer, dialoguer et commercer avec leurs semblables. Parfois, même les ouvriers n’échappent plus à la réunionite. Où se trouve la prévalence de l’individu ? Moi je trouve au contraire qu’il est de plus en plus difficile d’être un individu tranquille dans son coin. La surveillance est généralisée. Vos collègues peuvent retenir contre vous vos paroles homophobes, racistes, antiféministes, complotistes, etc. La pression du groupe est de plus en plus intense, il faut se justifier de tout. Le politiquement correct s’exerce au nom d’une morale de groupe avant tout, ce n’est pas du tout une manifestation de la prévalence de l’individu ! Si l’individu prévalait excessivement dans les relations sociales, on pourrait mettre la main au cul d’une femme en affirmant "C’est mon droit", et en ajoutant "Mais je ne l’oblige pas à aimer ça, ha ha ! C’est aussi son droit d’être une pétasse coincée ! " 



    • Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 16 mai 2016 18:04

      @herve_hum
      "Mais sinon, l’article sous lequel nous débattons, porte explicitement sur l’autorité. C’est écrit en titre. Donc, il s’agit bien de débattre sur la définition du mot autorité. C’est effectivement de la sémantique, mais pour philosopher, c’est central."


      Je suis d’accord. Le rôle du philosophe (ou l’un de ces rôles) est de proposer les définitions les plus appropriées pour bien poser les problèmes. Mais il le fait moins en disant "c’est la bonne définition" qu’en disant "cette définition est plus efficace pour parler sans tout mélanger". Je trouve que la définition donnée par le conférencier du mot autorité est utile pour faire des distinctions subtiles mais importantes. Après, vous pouvez fort bien mettre en avant un autre versant définitionnel de ce même mot, plus utile pour dire autre chose, je ne vous conteste pas cela. 


    • Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 16 mai 2016 18:15

      @Éric Guéguen
      "Le libéralisme ne se conçoit pas, à mes yeux, sans la concomitance de la montée en puissance de la bourgeoisie et la haine du christianisme."


      Je comprends ce que vous voulez dire (je ne suis pas aveugle non plus ni ignorant du mouvement de l’histoire). Simplement, je ne pense pas que le concept de libéralisme définisse bien la tendance que vous sentez (et que je sens aussi). C’est autre chose. Et il va falloir être créatif pour bien désigner ce mal. Ce travail reste à faire. J’ajouterais qu’il y a aussi une haine de la nature dans ce que nous voulons nommer (et c’est étrange de voir du même côté obscur s’associer la haine de la nature et la haine du christianisme). C’est aussi une haine de l’humanité et de la liberté véritable. Ce n’est donc ni un "humanisme" ni un "libéralisme". 


    • Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 16 mai 2016 18:26

      Il y a surtout (dans ce mal que nous cherchons à bien nommer) l’idée que l’intellect humain est le sommet de l’univers, que rien ne le transcende et qu’il peut donc tout regarder de haut. 


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 16 mai 2016 18:49

      @Qaspard Delanuit
       
      Je vais essayer d’être plus clair en quelques mots seulement (désolé, j’ai peu de temps devant moi) :
       
      Je ne dis pas que les libéraux n’aiment pas les rapports humains, bien entendu, seulement ils se bercent d’une douce illusion, celle de ramener chacun de ces rapports à un échange de consentements. Ceci s’est amorcé par le haut, au niveau du pouvoir, du régime politique, pour percoler jusqu’à la plus petite communauté qu’est la famille (l’enfant-roi). Tout ceci toujours au nom de l’individu, en s’appuyant sur une logique "libératrice", atomisante. Et ceci n’a, comme vous le dites, que peu de rapport avec la liberté réelle. L’afflux de social, la boulimie de réunionite ne sont que les manifestations, l’amplification des impasses du consentement... franchement, Gaspard, vous savez aussi bien que moi que ces réunions ne mènent à rien, que c’est de la poudre aux yeux, de la bureaucratie, pas vrai ? Et peut-on assimiler le règne de la com’ à de la politique ?
       
      Quant au retour de manivelle, l’ordre moral en matière de revendications et de susceptibilités, j’y vois, là aussi, le résultat d’une logique individualiste, seulement c’est le contrecoup inévitable en régime de masse : les individus atomisés et égaux, pour peser sur la place publique, doivent faire nombre et, en fonction de la récrimination du moment, formeront des groupes aussi bruyants et nombreux que possible afin de défendre leurs droits. La mort de la nation n’aura pas conduit directement au communautarisme, elle aura d’abord mené à l’atomisation (ou plutôt elle aura cédé à ses coups de boutoir), puis à la reconstitution de communautés de substitutions, à visée utilitaire.


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 16 mai 2016 18:51

      Admettons que le mot libéralisme ne soit pas encore tout à fait le mot adéquat. En tout cas le bordel actuel est son œuvre, sa créature échappée.


    • Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 16 mai 2016 19:06

      @Éric Guéguen
      "Je ne dis pas que les libéraux n’aiment pas les rapports humains, bien entendu, seulement ils se bercent d’une douce illusion, celle de ramener chacun de ces rapports à un échange de consentements."

       

      Pouvez-vous préciser quels sont les rapports humains qui ne sont pas des échanges de consentement et sur lesquels il est cependant utile de discuter pour s’accorder politiquement ?


    • Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 16 mai 2016 19:11

      @Éric Guéguen
      "Admettons que le mot libéralisme ne soit pas encore tout à fait le mot adéquat. En tout cas le bordel actuel est son œuvre, sa créature échappée."


      Admettons que le libéralisme désigne le courant de pensée qui est à l’origine du bordel actuel. Comment nommeriez-vous dans ce cas la doctrine politique (meilleure selon vous) qu’il a combattue et vaincue ? 


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 16 mai 2016 19:35

      @Qaspard Delanuit
       
      Le libéralisme n’a pas combattu une doctrine politique meilleure (selon moi), il s’est débarrassé de l’ordre ancien, mais au nom d’une noble cause (plus de libertés conférées à l’individu), il a usé de moyens trompeurs et contre-productifs (en gros la table rase). En d’autres termes (et je sais que j’ai beau jeu de dire ceci avec le recul qui est le nôtre) : au lieu d’œuvrer à desserrer dans une juste proportion les liens du tout pour la réalisation des parties, l’Occident moderne a anéanti le tout. Toute l’histoire subséquente a consisté, en vain, à reconstituer un semblant de communauté qui ne nous fasse pas perdre totalement notre dignité d’êtres humains.
       
      Quant aux rapports subis plus que consentis, il est très difficile de n’en toucher que quelques mots. Je dirais que l’homme générique ne pouvait pas se concevoir autrefois tel qu’il se conçoit aujourd’hui (truisme, je sais). De nos jours, chacun se sait inconsciemment sous la protection d’un État entièrement à son service, une sorte d’esclave virtuel (à développer). Les témoignages parvenus du monde d’avant font apparaître ceci : fut un temps où les membres d’une communauté se savaient, et ne pouvaient se sentir que conditionnés par cette communauté qui leur préexistait. C’est une chose qui relève de la révolution copernicienne, et que nous avons bien du mal à nous figurer car nous pouvons comparer. Eux n’avaient pas le choix, il eût été incongru à une certaine époque de tout référer à la quête de droits individuels de plus en plus nombreux.


    • Ozi Ozi 16 mai 2016 20:00

      @Qaspard Delanuit :"C’est autre chose. Et il va falloir être créatif pour bien désigner ce mal."

      .

      Et pourquoi pas "le matérialisme" ?

      .

      Haine de la nature car simple matière inerte.

      Haine de l’humain car simple agglomérat de matière.

      Transhumanisme car simple bricolage de la matière.

      Egoïsme car identification à la matière.

      Ect..

      Par contre Eric fait la même erreur que Micnet avec "la soi-disante haine" du Christianisme qui n’a jamais eut autant d’adeptes qu’aujourd’hui (2.5 milliards) et qui se porte très bien comme toutes les institutions religieuses d’ailleurs, comme tout les pouvoirs temporel, forcément, c’est également du matérialisme..

      Non, ce qui a été attaquer avec une animosité féroce, c’est l’émanation de l’Esprit, la Spiritualité, qui soufflait plus ou moins d’ailleurs, suivant les époques, à travers certaines institutions religieuses..

      .

      Heureusement, l’avancé de la science et de la physique notamment, annonçant le triomphe de la philosophie (comme dirait Solal) smiley , nous donne des raisons de rester optimistes quant à ce mal.. (si c’est bien de ce mal là que vous parlez..)


    • Éric Guéguen Éric Guéguen 16 mai 2016 20:21

      @Ozi
       
      Pas d’accord avec vous, vous vous en doutiez.
      J’invite tout le monde à lire Le dix-neuvième siècle à travers les âges, de Philippe Muray. C’est très drôle et ça montre combien le XIXe siècle, en passe d’être orphelin du primat religieux, a été au contraire foisonnant en terme de spiritualités en tous genres pour donner le change (de Mesmer à Blavatsky en passant par Victor Hugo lui-même).
       
      Lorsque je dis que le christianisme a été l’ennemi à abattre, je veux parler de la morale et des fins de l’espèce. C’est en réaction à l’Église que morale et politique sont sommées de divorcées, en réaction à l’Église que téléologie et théologie sont amalgamées, en réaction à l’Église que le nominalisme constitue la première forme de libéralisme philosophique, en réaction aux guerres de religion, enfin, que s’instaure le culte pour l’intérêt privé.
       
      Le christianisme a été et demeure la première religion au monde, mais voyez grâce à qui. À la fille aînée de l’Église ? À l’Europe ? Non. À l’Afrique et à l’Amérique latine, et bien souvent sous des formes que ne renieraient pas les marchands du Temple, car le capitalisme est passé par là.


    • Qaspard Delanuit Qaspard Delanuit 16 mai 2016 20:29

      @Éric Guéguen
      "Le libéralisme n’a pas combattu une doctrine politique meilleure (selon moi), il s’est débarrassé de l’ordre ancien, mais au nom d’une noble cause (plus de libertés conférées à l’individu), il a usé de moyens trompeurs et contre-productifs (en gros la table rase)."


      D’accord, mais de quoi a-t-il fait table rase ? Dire que "l’ordre ancien" a été jeté comme le bébé avec l’eau du bain n’est pas suffisant. C’est quoi, cet "ordre ancien". Et pourquoi eût-il mieux valu ne pas l’abolir entièrement ? 


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