CSOJ : Débat sur l’identité avec Richard Millet
Suite à la polémique initiée par Claude Guéant sur l’inégalité des civilisations, Ce soir ou jamais organisait un débat à ce sujet le 7 février.
L’écrivain Richard Millet a osé tenir des propos très politiquement incorrects en déclarant : "Je suis le seul Blanc à Châtelet-Les Halles à 6h du soir et je ne supporte pas les mosquées en France". Nostalgique, attaché à une vieille France (blanche, chrétienne, avec ses traditions régionales), qui n’existe pratiquement plus, Millet a exprimé sa douleur sans détour, avec des mots très crus. A bien des égards, il peut nous rappeler un certain Jean-Paul Bourre, qui poste parfois ici... L’écrivain s’est empressé de dire qu’il n’avait jamais voté de sa vie, ses propos pouvant facilement passer pour ceux d’un électeur du FN.
Pour une fois, de tels propos n’ont pas suscité l’indignation générale, mais chacun a pu lui répondre calmement et exprimer son désaccord. Denis Podalydès, Franz-Olivier, Giesbert, Jacques Sapir, Catherine Colliot-Thélène, Sylvie Brunel et Maboula Soumahoro ont ainsi exprimé une toute autre vision des choses. Selon eux, le multiculturalisme est une chance pour la France et va dans le sens de l’Histoire. Denis Podalydès a ainsi dit sa fascination devant la grande diversité des populations à Châtelet-les-Halles (il s’agit du plus grand carrefour de RER et de métros à Paris), loin de l’angoisse exprimée par Millet. Giesbert, lui, s’est déclaré "citoyen du monde", se sentant chez lui aussi bien "en Inde, en Birmanie, partout".
Citoyen d’un pays ou citoyen du monde, nationalisme ou cosmopolitisme : le débat est vieux comme le monde - au moins depuis Socrate, qui se disait citoyen du monde - et pourtant toujours d’actualité. La grande différence, avec l’époque de Socrate, c’est l’immigration massive venue du monde entier. Les philosophes des siècles passés exprimaient, contre les préjugés racistes, leur communauté avec tous les hommes de la terre, qu’ils ne rencontraient guère que par les livres ou le voyage ; ils ne cohabitaient pas avec eux au quotidien. Il n’était de ce fait pas rare qu’ils puissent se faire - en conservateurs - les défenseurs des coutumes de leur pays, de ses institutions, de ses lois, de ses croyances... tout en se faisant - en cosmopolites - les chantres de la citoyenneté universelle. A notre époque de mondialisation, le cosmopolitisme a des conséquences tangibles sur les coutumes et les lois d’un pays, du fait de l’immigration et de la rencontre sur un même territoire de différentes civilisations, il appelle des adaptations. C’est sans doute ce qui explique que le cosmopolitisme soit souvent rejeté par le "petit peuple", ce petit peuple précarisé et qui voyage peu, qui se sent menacé par la diversité et le mélange qu’on semble lui imposer, dont il subit les inconvénients sans toujours en percevoir les avantages, et qui se replie sur le vote nationaliste, tandis que les élites, elles, qui ont plus de moyens et voyagent très souvent, observent le monde de plus haut, et peuvent s’émerveiller de la mondalisation heureuse et se déclarer très naturellement "citoyens du monde".
C’est sans doute là la faiblesse du plateau de Taddeï : il ne donne la parole qu’à des privilégiés, qui ont objectivement toutes les raisons d’aimer le monde tel qu’il va. Sans doute serait-il bon de permettre un échange entre ces gens, dont la vision est parfaitement respectable, et d’autres, issus d’autres milieux, plus pauvres, qui en auraient une autre, tout aussi respectable - même si elle pourrait choquer sur un plateau de télévision. Car, à n’en pas douter, nombre de nos compatriotes pensent ce que Richard Millet a exprimé, et il est notable qu’une telle prise de position demande de nos jours, comme l’a noté Podalydès, un "courage suicidaire". Quant à Maboula Soumahoro, elle a déclaré, peut-être dans un lapsus, que Millet ne payait pas assez cher pour les propos qu’il tenait (7min45), poursuivant, pour le rassurer sur l’état de la liberté d’expression dans notre pays : "Vous avez le droit de parler, vous avez le droit de vous exprimer, vous avez le droit de dire tout ce que vous voulez". Le simple fait de dire à quelqu’un "vous avez le droit de parler..." place celui qui le dit en position de supériorité, car c’est lui qui s’octroie le droit de décider ce qui peut être dit et ce qui ne le peut pas. Imagine-t-on un instant Millet dire aux autres, pour les rassurer : "vous avez le droit de parler..." ?
La liberté d’expression n’est pas si assurée que cela. Car à peine l’émission terminée, d’innombrables chiens de Pavlov hurlaient leur indignation sur Twitter...
... sans oublier l’inévitable chienne de garde Isabelle Alonso, qui, toujours très respectueuse, transforme le prénom "Richard" en "Ricard", célèbre marque de pastis :
Une civilisation qui se sait plus que s’indigner (avec ses tripes), au lieu de raisonner (avec sa tête) et de respecter (avec son coeur) tous les points de vue émis par d’autres êtres humains, est assurément une civilisation sur le déclin. Essayons de nous respecter, de nous comprendre, calmement, de raisonner... et aux chiottes l’indignation des moutons bêlants qui n’ont toujours pas compris que le terrorisme intellectuel, d’où qu’il vienne, est le plus grand des maux dont nous crevons à petit feu !
On savait déjà qu’on ne pense jamais - ou presque - à la télévision, on sait aussi qu’on ne pense jamais sur Twitter, essayons de penser, et non de bêler ("vive Marine !", "vive Mélenchon !", "Asselineau président !", "Millet pire que Guéant !", "ouh la honte !"...) sur les médias citoyens...